
PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE
« Les compressions ont ralenti le processus d’approbation des innovations pharmaceutiques, ce qui allonge considérablement les délais d’inscription à la liste des médicaments de la RAMQ », écrit Emmanuelle B. Faubert.
Depuis la création de Santé Québec, le gouvernement a donné aux ministères le mandat de diminuer leurs dépenses, y compris au ministère de la Santé et des Services sociaux.
Or, au lieu de couper dans le gras de la machine administrative, les fonctionnaires ont décidé de faire ces coupes sur le dos des patients québécois et de rationner encore davantage l’accès aux soins au Québec.
Plus spécifiquement, les compressions ont ralenti le processus d’approbation des innovations pharmaceutiques, ce qui allonge considérablement les délais d’inscription à la liste des médicaments de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).
Entre les différents stades d’essais cliniques (9 à 13 ans), d’approbation de Santé Canada (10-11 mois), d’approbation de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) au Québec et de négociation des prix, l’attente pour avoir accès aux nouveaux médicaments est très longue1.
Au Québec, la dernière étape après toutes les évaluations et négociations consiste à inscrire le médicament sur la liste de la RAMQ, qui n’est mise à jour que neuf fois par an. Et c’est à cette étape que les fonctionnaires ont choisi de couper.
Entre 2012 et 2023, ce sprint final prenait en moyenne 44 jours2. Il s’agissait de la meilleure performance au pays. Entre février et juin 2025, par contre, le nombre de nouveaux médicaments inscrits a chuté de façon spectaculaire.
La mise à jour de février n’a mené qu’à deux inscriptions. Celle de mars en comptait seulement quatre. Comparativement, la mise à jour de décembre 2024 comptait sept ajouts.
Alors que le Québec était historiquement reconnu pour la rapidité de ce processus par rapport aux autres provinces, la province est devenue l’un des cancres au cours de la première moitié de 2025. Dans certains cas, il a fallu attendre plus de six mois avant que des médicaments sûrs et efficaces ne soient ajoutés à la liste.
Des patients en attente
Pourquoi est-ce un enjeu important ? Parce que les patients en attente d’innovations pharmaceutiques, comme ceux atteints de cancer, dépendent de ces nouveaux traitements.
Les nouveaux médicaments doivent déjà passer par un processus très long avant d’être rendus disponibles à la population et couverts par le régime d’assurance public.
En allongeant ces délais, les fonctionnaires restreignent le nombre de médicaments couverts. Il s’agit d’une façon de réaliser des économies, mais également de rationner les soins offerts aux patients.
Bien que les mises à jour de juillet et août aient compté un plus grand nombre d’inscriptions, ce serait une grave erreur d’ignorer ce qui s’est produit pendant la première moitié de 2025.
Afin de faire des économies sur les innovations pharmaceutiques jugées coûteuses, l’accès aux nouveaux médicaments a été restreint, et ce, sur le dos des patients, pendant plusieurs mois.
Pendant cette période, une proportion relativement plus importante de médicaments génériques et biosimilaires a été ajoutée à la liste, encore une fois dans le but de réduire les dépenses en médicaments. Les patients qui avaient besoin de médicaments innovants, eux, ont dû continuer d’attendre en espérant qu’ils soient enfin couverts.
Également, des médecins informés de l’arrivée imminente de médicaments novateurs ont été contraints d’utiliser des traitements moins adaptés pour leurs patients, lesquels nécessitent plusieurs visites à l’hôpital.
On peut penser au Pluvicto, par exemple. Il aura fallu sept mois au gouvernement du Québec pour accepter de rembourser ce médicament prometteur3 contre le cancer de la prostate.
Pendant ce temps, des patients ont vu leur état se détériorer et leur prise en charge se complexifier.
Au final, il s’agit d’économies de bouts de chandelle qui comportent plus de risques que de bénéfices. Retarder l’accès aux médicaments novateurs risque de coûter bien plus cher au système de santé que si les nouveaux médicaments avaient été inscrits et couverts par la RAMQ dans les délais normaux.
Et les coûts ne sont pas seulement financiers, mais aussi humains.
Avoir un meilleur contrôle sur les dépenses publiques afin de revenir éventuellement à l’équilibre budgétaire est important, mais ce n’est pas en le faisant sur le dos des patients que nous y parviendrons.
SOURCE: Délais d’approbation des médicaments | Une façon de rationner les soins aux patients | La Presse