Québec repousse son engagement

(Québec) Le gouvernement Legault repousse à un troisième mandat son engagement électoral de 2018 d’être pris en charge aux urgences dans un délai de 90 minutes.

 

Dans son plus récent plan stratégique, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) reporte à 2026-2027 sa cible, qui aurait normalement dû être atteinte cette année.

« Le symptôme le plus apparent d’un système de santé auquel l’accès est difficile se manifeste par un achalandage important des services d’urgence », écrit le sous-ministre à la Santé, Daniel Paré, dans le document déposé à l’Assemblée nationale.

« Les résultats du Plan stratégique 2019-2023 du MSSS illustrent la persistance de cette problématique puisque les objectifs n’ont pas été atteints », poursuit M. Paré, citant spécifiquement la cible du délai moyen de prise en charge aux urgences pour la clientèle ambulatoire.

Ce constat survient pendant que les urgences du Grand Montréal affrontent une nouvelle crise d’achalandage et que la mort de deux patients fait l’objet d’une enquête à l’hôpital Anna-Laberge. Cela a placé le gouvernement Legault sur la défensive, mardi.

La nouvelle cible du MSSS est beaucoup moins ambitieuse : on espère atteindre un temps moyen de prise en charge médicale de 165 minutes au cours de la prochaine année.

OBJECTIFS DE DÉLAI MOYEN DE PRISE EN CHARGE MÉDICALE AUX URGENCES

  • 2023-2024 : 165 minutes
  • 2024-2025 : 125 minutes
  • 2025-2026 : 105 minutes
  • 2026-2027 : 90 minutes

Source : Plan stratégique 2023-2027 du MSSS

En 2018, la Coalition avenir Québec a pourtant pris l’engagement ferme de ramener l’attente moyenne aux urgences à 90 minutes. Cette cible devait être atteinte en 2022-2023, selon son plan stratégique 2019-2023, qui avait par ailleurs été révisé en 2021 pour tenir compte de la pandémie.

Autre cible repoussée

Québec n’est pas non plus parvenu à atteindre son objectif de réduire à 14 heures la durée moyenne de séjour sur civière, qui était plutôt de 18,1 en 2022-2023. Cette cible est aussi repoussée à dans quatre ans.

OBJECTIFS DE DURÉE MOYENNE DE SÉJOUR SUR CIVIÈRE

  • 2023-2024 : 17 heures
  • 2024-2025 : 16 heures
  • 2025-2026 : 15 heures
  • 2026-2027 : 14 heures

Source : Plan stratégique 2023-2027 du MSSS

« Comme partout dans le monde, nous sommes confrontés à plusieurs défis, notamment la pénurie de main-d’œuvre, le vieillissement de la population et un réseau de la santé toujours fragilisé par la pandémie. Le ministère de la Santé a dû revoir ses cibles pour qu’elles soient réalistes dans le contexte », a fait valoir le cabinet de Christian Dubé en soirée, mardi.

Nous ne voulons pas ajouter de la pression sur les professionnels sur le terrain, mais plutôt leur en enlever. Nous misons sur des mesures qui vont davantage permettre d’éviter des passages à l’urgence lorsque ces derniers peuvent être évités.

 Extrait d’une déclaration du cabinet du ministre Christian Dubé

Dans le plan stratégique, Daniel Paré souligne « la difficulté d’accès aux professionnels en première ligne », ce qui « entraîne une surutilisation des services d’urgence pour des problèmes de santé mineurs ». Il rappelle les « efforts massifs » consentis pour améliorer l’accès, comme l’implantation du Guichet d’accès à la première ligne (GAP), et précise que la diminution du temps d’attente aux urgences « demeure une priorité ».

Le document déposé la semaine dernière s’inscrit « au sortir d’une crise sanitaire ayant grandement affecté les activités du système de santé et des services sociaux », écrit M. Paré. Il indique que les « legs de la pandémie » ont été pris en compte dans l’établissement de certaines priorités et nouvelles cibles.

Dubé se défend

La Presse a rapporté mardi que des médecins déplorent une détérioration dans les urgences du Grand Montréal, un an après la création d’une cellule de crise par le gouvernement Legault. Mardi, le ministre de la Santé a admis que certains établissements tardaient à appliquer les solutions identifiées par la cellule de crise pour désengorger les urgences.

« On est à la période de l’année où il y a les virus donc, c’est ce qui rend la situation semblable », s’est défendu M. Dubé, qui a aussi souligné que les journées de grève ont perturbé les activités dans les hôpitaux, notamment les services d’appel à la ligne 811. « Maintenant, je veux faire la différence entre l’excellent travail que la cellule de crise a fait et la deuxième étape [de l’application] », a-t-il nuancé.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Christian Dubé, ministre de la Santé

C’est un enjeu qu’on a dans certains hôpitaux et ce n’est pas par manque de collaboration, mais les gens doivent maintenant prendre ces recommandations-là [et les appliquer].

 Christian Dubé, ministre de la Santé

Dans le contexte tendu des dernières semaines, le MSSS invite la population à éviter les urgences autant que possible. « La pression est particulièrement forte sur les services offerts », écrit le MSSS dans un communiqué. « Il est possible que les délais d’attente pour accéder aux services soient plus élevés qu’à la normale au cours des prochains jours », ajoute-t-on.

On demande à la population de privilégier la ligne Info 811 ou de consulter le GAP numérique sur le site web gouvernemental. On invite aussi ceux qui le peuvent à consulter leur médecin de famille ou un pharmacien.

RÉACTIONS DES PARTIS DE L’OPPOSITION

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Marc Tanguay, chef intérimaire du Parti libéral du Québec

Il faut revenir à la prise en charge par les médecins de famille et à la cellule de crise parce que c’était de la rétroaction qui vient du terrain, c’est très précieux.

 Marc Tanguay, chef intérimaire du Parti libéral du Québec

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Gabriel Nadeau-Dubois, chef parlementaire de Québec solidaire

Pendant qu’on fait des réformes de structure, pendant qu’on brasse des organigrammes et qu’on veut recruter des top gun, sur le terrain, ce qui se passe, c’est profondément inquiétant.

 Gabriel Nadeau-Dubois, chef parlementaire de Québec solidaire

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

Comment on se retrouve dans une situation aussi tragique, puis pourquoi les choses ne s’améliorent pas, même se détériorent. Ce sont des questions parfaitement légitimes. Le gouvernement a la responsabilité de répondre.

 Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

source : lapresse.ca

AQDR