Québec demande aux résidences de refaire bouger d’urgence les aînés

Les atteintes physiques provoquées par l’isolement prolongé sont si grandes que des kinésiologues sont appelés en renfort dans des CHSLD. Mais il en manque.

Pour de trop nombreux aînés hébergés au Québec, l’heure n’est plus à la prévention mais au traitement des pertes d’autonomie et de mobilité qu’ils ont subies à cause des longues périodes d’isolement dans leurs chambres durant la cinquième vague et au cours des vagues précédentes. Une nouvelle version d’une directive du ministère de la Santé et des Services sociaux, obtenue par Radio-Canada, exhorte les résidences à agir « rapidement ».

Selon nos informations, cette directive, qui s’adresse à tous les types de milieux de vie et d’hébergement (résidence privée pour aînésRPA, Centre d’hébergement et de soins de longue duréeCHSLD, RI-RTF), sera transmise au réseau d’ici lundi.

Cette consigne s’ajoute aux assouplissements des mesures de prévention et de contrôle des infections annoncés mercredi.

Le mal à circonscrire, c’est le déconditionnement, notamment physique, conséquence de l’inactivité et de la sédentarité.

« Bien que ses effets soient généralement réversibles, il arrive que ce ne soit pas le cas et que le cumul de certaines complications puisse mener à une hospitalisation. Il importe donc d’agir rapidement. »— Une citation de  Directive du ministère de la Santé et des Services sociaux

Déjà, des directions d’établissement n’ont pas attendu les consignes du ministère pour agir, car elles sont trop inquiètes des conséquences physiques qu’ont subies les aînés. Certains d’entre eux ont été isolés dans leur chambre pendant plusieurs semaines.

« On était déjà très actifs pour prévenir le déconditionnement. C’était un enjeu prioritaire dès la fin avril 2020 », rappelle Jean-Charles Del Duchetto, attaché de presse de la ministre responsables des Aînés. Toutefois, l’accent mis sur le traitement de ces conséquences et sur l’appel à une intervention rapide est une nouveauté.

Kinésiologues trop peu nombreux

Certains aînés sont fortement atteints par la perte d’autonomie causée par l’isolement à la chambre et par la diminution des sorties, admet le Centre intégré de santé et de services sociauxCISSS de Chaudière-Appalaches.

Cet établissement vient de conclure un contrat avec l’entreprise Nautilus, dont on connaît bien les centres d’entraînement, pour recourir aux services de 10 kinésiologues dans les CHSLD de la région.

« Il nous importait d’agir rapidement pour contrer ce déconditionnement physique, car nous avons constaté d’urgents besoins en la matière lors du suivi de la cinquième vague, qui a été particulièrement éprouvante pour les aînés de nos milieux de vie. »— Une citation de  Mireille Gaudreau, porte-parole du CISSS de Chaudière-Appalaches

En vertu de l’urgence sanitaire, le CISSS a conclu ce contrat de gré à gré, d’une durée de six mois, pour un montant de 650 000 $.

Les professionnels sont déjà mobilisés dans les CHSLD depuis quelques jours, explique la porte-parole Mireille Gaudreau. Il fallait agir dans les plus courts délais possibles, dit-elle. Dans ce type de situation, chaque journée est importante si on souhaite limiter au maximum les pertes de capacités physiques des aînés, qui peuvent malheureusement être irréversibles.

Le CISSS reconnaît avoir besoin de 30 autres kinésiologues pour répondre à ses besoins mais indique ne pas les avoir encore trouvés. Des postes à pourvoir ont été affichés.

Des aînés méconnaissables après leur isolement

À l’Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke, la Dre Émilie Breton constate les répercussions de l’isolement en chambre d’aînés fragiles qui vivent dans une RPA.

« Les conséquences sont faciles à établir : dénutrition, amaigrissement, détérioration des fonctions cognitives et détérioration de leur équilibre. »— Une citation de  La Dr Émilie Breton, gériatre au CIUSSS de l’Estrie-CHUS et au CSSS-IUGS

Ce sont toutes des conséquences qui pourraient être évitées par de l’activité physique et par de la socialisation, ajoute la médecin.

À l’aide de fonds de recherche, son équipe a engagé des kinésiologues et a élaboré un programme d’exercices pour des patients âgés en réadaptation et en isolement dans leur chambre pendant 10 ou 14 jours.

Les données recueillies depuis le lancement de ce programme, en novembre 2020, montrent que les symptômes dépressifs étaient moins aigus chez les aînés qui avaient bénéficié de visites de kinésiologues dans leur chambre.

Des exercices pour les aînés

Un des outils de remobilisation que nous affectionnons particulièrement est le pédalier, dit la Dre Émilie Breton, car il est facile à déplacer et à désinfecter.

Au CISSS de Chaudière-Appalaches, on essaie de proposer des exercices individuels ou de groupe qui seront reproductibles par l’équipe et, dans certains cas, par les proches aidants par la suite.Un exemple d'exercice destiné aux aînés.

Un exemple d’exercice destiné aux aînés

PHOTO : RADIO-CANADA / CAPTURE D’ÉCRAN/ANNEXE DE LA DIRECTIVE

Dans sa directive, le ministère suggère lui-même certains exercices simples à faire et veut sensibiliser les responsables d’établissement et le personnel à la nécessité de procurer aux aînés un accompagnement individualisé offert par un intervenant habilité si possible.Une liste d'instructions.

Un exemple d’exercice destiné aux aînés

PHOTO : RADIO-CANADA / CAPTURE D’ÉCRAN/ANNEXE DE LA DIRECTIVE

Le ministère demande aux établissements d’effectuer une ronde, en personne ou par téléphone, pour inciter les usagers ou les résidents à bouger.

Même en ce qui concerne les aînés encore isolés dans leur chambre à cause de la COVID-19, Québec demande aux milieux d’hébergement d’encourager l’exercice physique dans l’unité locative ou à la chambre, en fonction des capacités physiques de la personne.

Nouveauté : il sera permis de sortir du lieu d’isolement en appliquant des mesures supplémentaires d’adaptation propres à chaque milieu de vie, dans le respect des mesures de prévention et de contrôle des infections.

Si l’autonomie ou la mobilité de l’aîné s’est détériorée durant l’isolement, le ministère demande de veiller à ce qu’un professionnel, un physiothérapeute ou un ergothérapeute, par exemple, évalue la réadaptation de l’aîné.

Source : radio-canada.ca Thomas Gerbet

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