Après avoir vu leur facture d’épicerie gonfler à vue d’œil, les consommateurs pourraient-ils profiter d’une accalmie ? Bien que la croissance des prix en épicerie se poursuive à un rythme plus élevé que l’inflation, elle a ralenti en juillet, selon Statistique Canada, et certains articles affichent actuellement sur les tablettes le même prix que celui indiqué en février, a constaté La Presse.

Les amateurs de biscuits feuille d’érable de marque Tradition ont commencé à payer leurs petites douceurs 1 $ de plus chez Metro en février par rapport à janvier, pour atteindre 4,99 $. Actuellement, la boîte est affichée au même prix qu’il y a six mois. Et des exemples comme ceux-là, il y en a de nombreux autres dans les différentes enseignes. Il se peut toutefois que l’aiguille des prix ait bougé et que ceux-ci aient fluctué entre les mois de février et d’août.

Or, ce « répit » estival pourrait être de courte durée, prévient Pascal Thériault, agronome et économiste à l’Université McGill. Et il faut tout de même se rappeler que la facture d’épicerie demeure élevée, dit-il.

Même si ça redescendait un peu, on ne retournera pas à un niveau de prix prépandémique. On a tellement vécu d’énormes hausses que même si on avait une réduction de 5 %, ça resterait plus élevé que ce qu’on payait l’an passé.

Pascal Thériault, agronome et économiste

Statistique Canada annonçait mardi un ralentissement dans la croissance des prix dans les épiceries d’une année à l’autre avec une augmentation de 8,5 % en juillet, contre 9,1 % en juin. Sur les tablettes des supermarchés, le prix de plusieurs articles est actuellement le même que ce qui était affiché en février, a constaté La Presse en effectuant un exercice de comparaison avec une dizaine de produits.

Retour en arrière. Le mois de février 2023 a été marqué par la fin du gel de prix de 1500 produits de marque Sans nom vendus chez Maxi, Provigo et Pharmaprix. La période pendant laquelle les détaillants n’acceptaient aucune hausse de la part de leurs fournisseurs s’est également terminée au même moment.

Des prix inchangés pour le panier de La Presse

Ainsi, à partir de la deuxième semaine de février, les clients qui circulaient dans les allées d’épicerie ont rapidement constaté que les prix s’étaient remis à grimper. Chez Maxi, par exemple, le prix du fromage cheddar doux blanc de marque Sans nom (400 g) a été fixé à 6,49 $, alors qu’il était affiché à 5,99 $ le 30 janvier.

Afin de comprendre l’évolution, à la suite de la publication des données de Statistique Canada, La Presse s’est livrée mardi à un autre exercice de comparaison entre les prix de février et ceux affichés le 15 août. Une dizaine d’articles de chez Maxi, Metro et IGA – du riz au beurre en passant par les croquettes de poulet, les boîtes de conserve et le yogourt – ont été sélectionnés. Résultats : la boîte de biscuits soda salés de marque Sans nom coûte actuellement 3,29 $ chez Maxi, le même prix qu’en février. Même scénario pour les filets de poulet surgelés de Benny&Co. offerts chez IGA. Ils sont présentement en promotion à 12,99 $, comme en février, et leur prix courant fixé à 16,99 $ n’a pas bougé. Chez Metro, le beurre salé Lactancia (454 g), qui était passé de 7,99 $ en janvier à 8,19 $ le mois suivant, est actuellement vendu au même prix qu’en février.

Pascal Thériault s’est dit peu surpris devant ce constat. « On ne semble plus avoir de problèmes de logistique de transport, les coûts de l’énergie semblent se stabiliser. C’est l’été, donc si on regarde l’épicerie en général, c’est plus facile – même si on a une très mauvaise année de récoltes au Québec – d’avoir des fruits et des légumes locaux qui viennent tempérer les prix dans le frais. Je pense que cette stabilisation des prix là est normale. »

Le consommateur a fait des choix. Il a délaissé le restaurant parce que c’était rendu très cher. Il y a des produits qu’il n’achètera plus ou encore moins souvent en épicerie. Ça va faire diminuer la demande sur ces produits-là, et donc ça va avoir une incidence sur le prix.

Pascal Thériault, agronome et économiste

La semaine dernière, lors de la présentation des résultats de troisième trimestre, le président et chef de la direction de Metro, Eric La Flèche, avait laissé entendre que des signes laissaient croire que l’inflation se modérait. « Par rapport à l’an dernier, le nombre de demandes d’augmentation de prix que nous recevons de la part de nos fournisseurs a diminué de 40 % au troisième trimestre. Cependant, la variation demeure importante (dans la fourchette entre 5 % et 9,9 %). »

« Oui, il y a une baisse de l’inflation alimentaire, confirme Marie-Claude Bacon, vice-présidente, affaires publiques et communications, de Metro, mais c’est quand même plus important qu’avant. »

« Est-ce que c’est une accalmie temporaire ? s’interroge Pascal Thériault. Ça va dépendre de l’automne et de l’hiver que nous aurons. »

« Pour l’automne, on ne peut pas spéculer », avance prudemment Mme Bacon.

L’inflation grimpe à 3,3 %

Dans l’ensemble du pays, l’inflation a augmenté d’une année à l’autre le mois dernier, ayant été mesurée à 3,3 %, comparativement à 2,8 % en juin.

Statistique Canada attribue surtout la hausse de l’Indice des prix à la consommation (IPC) à un effet de glissement annuel lié au prix de l’essence, une forte baisse mensuelle observée en juillet 2022 n’étant plus prise en compte dans la variation sur 12 mois.

Sans l’essence, l’IPC a crû de 4,1 %, en légère hausse par rapport à une progression de 4 % en juin. Statistique Canada a observé que les prix de l’essence ont affiché une baisse de 12,9 % d’une année à l’autre en juillet, après avoir enregistré une diminution de 21,6 % en juin.

Statistique Canada signale que l’indice du coût de l’intérêt hypothécaire a encore affiché une progression d’une année à l’autre sans précédent, de 30,6 %, et est demeuré le principal facteur à l’origine de la hausse de l’inflation globale.

La Banque du Canada s’attend à ce que l’inflation oscille autour de 3 % au cours de la prochaine année au pays, avant de baisser régulièrement à 2 % d’ici le milieu de 2025. La banque centrale rendra sa prochaine décision sur le taux directeur le 6 septembre. Le taux d’inflation a augmenté d’une année à l’autre le mois dernier de 3,9 % au Québec, de 3,4 % en Nouvelle-Écosse, de 2,9 % au Nouveau-Brunswick et de 2,1 % à l’Île-du-Prince-Édouard.

Avec La Presse Canadienne

CE QU’EN DISENT DES ÉCONOMISTES

Ce taux d’inflation en juillet contraste avec les données macroéconomiques relativement faibles des dernières semaines. Il n’empêche, avec la décélération de l’inflation fondamentale depuis trois mois, je m’attends à ce que la Banque du Canada ne touche pas aux taux d’intérêt lors de sa réunion de septembre.

Randall Bartlett, directeur principal, économie canadienne, Desjardins Études économiques

L’inflation a rebondi à 3,3 % en juillet, stimulée par les prix de l’énergie, alors que les mesures de l’inflation sous-jacente préférées à la Banque du Canada montrent de légères améliorations. […] Un ralentissement de l’économie pourrait atténuer les pressions inflationnistes. La Banque du Canada demeure alignée vers une autre hausse de taux en septembre.

Claire Fan, Ă©conomiste, Banque Royale (RBC)

Le rebond de l’inflation en juillet n’est pas bon pour la Banque du Canada. […] Compte tenu du léger repli de l’inflation sous-jacente qui est surveillée par la Banque, ainsi que de la remontée du taux de chômage et du ralentissement des dépenses, la Banque pourrait surseoir à une autre hausse de taux en septembre afin de laisser plus de temps aux récentes hausses de faire effet.

Douglas Porter, économiste en chef et directeur, BMO Economics (Banque de Montréal)

Le rebond de l’inflation au-dessus de 3 % attire l’attention, mais c’est ce qui se passe dans les coulisses qui préoccupe la Banque du Canada. […] La demande [de biens et services] dans l’économie demeure forte, ce qui pourrait soutenir l’inflation à des niveaux décevants d’ici la fin de l’année. Cela rehausse la possibilité que la Banque effectue une autre hausse de taux d’intérêt à l’automne pendant qu’elle surveille les données sur l’emploi et l’inflation.

Leslie Preston, Ă©conomiste principale et directrice, TD Economics (Banque TD)

Propos recueillis par Martin Vallières, La Presse

source : lapresse.caÂ