Pendant que Québec et les fédérations de médecins cherchent une voie de passage pour retourner à la table des négociations, des patients rappellent leurs « impatiences ».

Jean-Pierre Painchaud, de Laval, attend depuis sept ans pour un rendez-vous avec un médecin spécialiste.
Photo : Radio-Canada
Lorsqu’il a vu son médecin de famille en 2018, Jean-Pierre Painchaud s’est assuré de réitérer sa demande de référence vers un spécialiste en chirurgie plastique afin de lui retirer un large kyste de 4 cm sur le crâne.
Ça ne m’empêche pas de vivre au quotidien, mais je sens toujours un inconfort et dès que je mets quelque chose sur la tête, j’ai un malaise
, explique le résident de Laval. Douleur à l’exposition au froid
, précisait son médecin dans sa requête au Centre de répartition des demandes de service (CRDS), il y a sept ans.
Ce système de prise de rendez-vous permet en principe aux médecins de famille, un peu partout au Québec, de diriger des patients vers des spécialistes dans un délai raisonnable. Au fil du temps, il a fait l’objet de critiques.
En 2023, j’ai reçu une lettre [du CRDS] disant que “nous avons tenté à deux reprises de vous joindre” […] en me demandant si je voulais toujours être sur la liste
, se désole M. Painchaud. Encore chanceux d’avoir reçu une lettre, j’ai alors appelé pour leur dire : bien oui, je veux voir un spécialiste […] je suis un bon patient persévérant!
Lors d’un rendez-vous en janvier 2025 avec un médecin référé par le guichet d’accès à la première ligne (GAP) pour le renouvellement d’ordonnances, M. Painchaud apprend par hasard que l’ablation de son kyste ne serait plus admissible dans le réseau public.
Là, ce n’est même pas le gouvernement qui m’a envoyé une lettre. Je fais quoi? On a l’impression d’être laissés pour compte.
Jean-Pierre Painchaud refuse d’aller au privé pour être soigné.
Or, son cas n’est pas unique.
À l’heure actuelle, plus de 900 000 demandes pour une consultation spécialisée sont en attente au CRDS, un nombre qui a presque doublé depuis la pandémie.
Parmi celles-ci, les deux tiers sont hors délai, et plus de 200 000 patients attendent depuis plus de deux ans, selon les données du ministère de la Santé.
La chirurgie plastique figure parmi les cinq types de consultations qui souffrent le plus de délais, avec l’oto-rhino-laryngologie (ORL), la dermatologie, l’immunologie et la gynécologie.

Le gouvernement Legault espère que sa récente main tendue convaincra les fédérations de médecins de revenir négocier.
Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel
Plus de 500 millions $ pour améliorer la prise de rendez-vous
L’accès à des soins spécialisés est un thème récurrent dans le réseau de la santé.
En 2023, par exemple, le ministre Christian Dubé et le président de la FMSQ, le Dr Vincent Oliva, avaient convenu d’une entente de principe visant à améliorer l’accès aux médecins spécialistes
. Aucune cible n’avait cependant été précisée.
Lors des récentes négociations avec la FMSQ, la quatrième offre du Conseil du Trésor présentée en octobre précisait des cibles à atteindre, mais aussi des ressources pour améliorer le système de rendez-vous.
L’offre prévoyait par exemple financer à la hauteur de 30 millions $ par année pendant quatre ans, pour un total de 120 millions $, l’ajout de professionnels au CRDS afin d’effectuer des travaux d’épuration des listes, et ce, dès le 1er avril 2026
. Un rehaussement de près de 300 personnes afin de rattraper le retard accumulé des dernières années
était sur la table.
Le document du Conseil du Trésor précisait également une intensification des travaux d’élimination des doublons des listes d’attente des CRDS et des centrales de rendez-vous par Santé Québec
, en particulier pour les régions de Montréal, de Laval, des Laurentides, de Lanaudière et de la Montérégie.
Québec prévoyait également bonifier de 400 millions de dollars sur 10 ans les infrastructures informatiques afin de mettre en place notamment un système de rappels des rendez-vous. Un enjeu majeur.
Selon nos informations, la FMSQ voit d’un bon œil ces propositions du Conseil du Trésor.
Trois ans et demi pour un ophtalmologiste
Malgré la mise en place des CRDS, il reste aujourd’hui plusieurs autres trajectoires d’accès vers une consultation en médecine spécialisée – les centrales de rendez-vous des cliniques externes, les urgences, etc. Selon les données du ministère de la Santé, la trajectoire CRDS représente actuellement 19 % de l’ensemble des premières consultations dans les 26 spécialités médicales.

Jacques Bérubé, de Shawinigan, attend depuis trois ans et demi un rendez-vous avec un ophtalmologiste. Il tient à poursuivre ses activités de bénévolat pour reconduire des patients à leurs rendez-vous médicaux.
Photo : Radio-Canada
Lors de notre passage à Trois-Rivières, Jacques Bérubé tenait à nous raconter ses démarches et son attente, depuis trois ans et demi, pour obtenir un rendez-vous en ophtalmologie.
Après une chirurgie au laser en 2000, il est retourné voir le même spécialiste, en 2022, pour faire réajuster sa vue. C’est là qu’on m’a annoncé qu’il ne pouvait rien faire parce que j’avais un problème avec ma cornée, raconte M. Bérubé. Ils m’ont alors adressé à un spécialiste à Trois-Rivières.
Lors d’une démarche dans une autre clinique de Shawinigan, M. Bérubé a compris que les dossiers médicaux sont reliés à la grandeur du Québec […] que le spécialiste de Trois-Rivières a pris mon dossier en main, donc on ne peut rien faire
.
À ce moment-là, j’ai commencé à être impatient
, admet-il. J’ai 72 ans, ce n’est pas vieux
, explique celui qui conduit son véhicule depuis neuf ans pour transporter des patients à des rendez-vous médicaux. Un bénévolat auquel il tient.
Au lendemain de notre rencontre devant la clinique de Trois-Rivières, M. Bérubé recevait un appel pour un rendez-vous à la fin du mois de novembre.
SOURCE: Médecins spécialistes : au moins 200 000 patients attendent depuis plus de deux ans | Radio-Canada
