L’inflation complique la reconstruction de six CHSLD vétustes à Montréal

La surchauffe du marché de la construction et le coût des terrains font grimper les prix d’est en ouest sur l’île de Montréal, notamment pour ce qui est de la reconstruction de six CHSLD d’un total de 1200 places.

La Société québécoise des infrastructures (SQI) et deux établissements de santé de Montréal cherchent à reconstruire six CHSLD à un coût moindre que les 800 000 $ par chambre prévus pour les maisons des aînés (MDA), un projet cher au gouvernement Legault.

Dans l’est de Montréal, par exemple, des rapports obtenus par la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics révèlent que la SQI et le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal font face à des conditions nettement défavorables.

Dans un compte rendu du mois de mars 2022 préparé par la SQI, on pouvait lire ceci : L’inflation, l’instabilité et la surchauffe des marchés [ainsi que] le manque de main-d’œuvre spécialisée nous laissent prévoir que l’objectif des 450 M$ sera difficile à atteindre.

Quelques mois plus tard, les représentants de la SQI, du CIUSSS et du MSSS estimaient que malgré les ajustements qu’on pourra faire au budget, le budget de 450 M$ (coût total du projet au net des taxes pour les trois bâtiments) ne sera plus respecté.

Des décisions importantes devront se prendre rapidement pour la suite du projet, poursuivait-on.

Il faut dire que le CIUSSS et la SQI élaborent depuis l’an dernier des scénarios visant à reconstruire d’ici 2026 autour de 673 lits de trois CHSLD vétustes dans de nouveaux bâtiments au coût d’environ 670 000 $ la chambre.

Interrogé par Radio-Canada, le président-directeur général du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, Jean-François Fortin Verreault, a dit ne pas s’attendre à des miracles.

En fait, ce qu’on essaye de faire, c’est de construire le plus de places possibles avec le budget disponible, affirme le PDG.

Jean-François Fortin Verreault, président-directeur général du CIUSSS de l'Est-de-l'Île-de-Montréal

Jean-François Fortin Verreault, président-directeur général du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal

PHOTO : RADIO-CANADA

Le budget de 450 M$ a été octroyé en août 2021 par le ministre de la Santé. Depuis un an, l’indice des prix de la construction de bâtiments non résidentiels pour la région de Montréal a progressé de 13 %, selon Statistique Canada.

C’est clair qu’on a des exercices. On essaye d’optimiser par exemple le nombre d’étages, car en augmentant le nombre d’étages, on comprend qu’on est capables de faire des économies, précise M. Fortin Verreault.

Le CHSLD Nicolet, par exemple, sera remis à la communauté pour servir à d’autres usages et ses résidents seront relocalisés.

La présidente du comité des usagers Lucille-Teasdale, Jeannelle Bouffard, aurait préféré que ce CHSLD soit reconstruit dans le quartier.

Nicolet est le seul CHSLD dans Hochelaga-Maisonneuve, dit-elle. Notre comité des usagers souhaite ardemment qu’on soit capables de trouver, sur le territoire d’Hochelaga-Maisonneuve, un espace non contaminé assez grand pour permettre la reconstruction d’un CHSLD.

Quant à lui, le CHSLD Jeanne-Le Ber sera reconstruit et le bâtiment actuel sera possiblement démoli. Actuellement, on est en discussion avec le gouvernement pour sa démolition, précise le président-directeur général du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal.

Quant au CHSLD Benjamin-Victor-Rousselot, sa valeur patrimoniale pose un problème d’ordre budgétaire et clinique.

Selon M. Fortin Verreault, il y a un besoin de mémoire et je le comprends, mais nous, ce qu’on doit faire à la fin, c’est d’offrir les bons services cliniques adaptés, et ça, pour nous, c’est la priorité.

On est souvent en discussion avec les arrondissements pour trouver la voie de passage.

Vue rapprochée d'un C H S L D vétuste.

Les CHSLD montréalais figurent parmi les plus vétustes au Québec.

PHOTO : RADIO-CANADA

De l’avis du président du Syndicat des professionnels en soins de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, Denis Cloutier, les six projets de reconstruction de CHSLD à Montréal auraient dû obtenir la même priorité que la construction d’une quarantaine de maisons des aînés ailleurs au Québec.

« Encore une fois, c’est deux poids, deux mesures. On fait un budget initial pour les maisons des aînés de 2,6 milliards, […], ces projets-là avancent et nous, à Montréal, on doit faire les ajustements pour respecter l’enveloppe globale [prévue pour les CHSLD]. »— Une citation de  Denis Cloutier, Syndicat des professionnels en soins de l’Est-de-l’Île-de-Montréal

Les CHSLD vétustes sont nombreux

  • Selon une compilation des données obtenues par Radio-Canada auprès du MSSS, près de 20 % des 462 bâtiments de CHSLD étaient considérés vétustes (c’est-à-dire en mauvais état ou en très mauvais état) en mars 2022.
  • Le déficit de maintien d’actifs des bâtiments vétustes atteignait 164,2 millions de dollars, dont plus de 60 % sur l’île de Montréal.
  • L’âge moyen des bâtiments vétustes à Montréal dépasse les 50 ans.
  • Pour l’instant, aucune maison des aînés (MDA) ne sera construite à Montréal.

10 M$ pour le terrain d’une ancienne épicerie

Dans l’ouest de l’île de Montréal, des travaux de planification visent également à reconstruire trois CHSLD vétustes qui totalisent près de 500 places.

Ce processus a été retardé par la nécessité d’acheter des terrains.

« Le processus de recherche de terrains a été plus long que prévu, considérant le manque de terrains à Montréal. Nous avons déjà procédé à l’achat d’un terrain, un deuxième terrain est actuellement en transaction et le troisième a été trouvé. »— Une citation de  Hélène Bergeron-Gamache, porte parole du CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal

Un terrain de 6250 mètres carrés a été acheté fin 2021 auprès du bras immobilier du groupe Métro-Richelieu au coût de 10,3 M$, soit 2,4 fois sa valeur foncière (avant le nouveau rôle).

Le groupe avait payé ce même terrain 7,3 M$ en avril 2021.

Depuis un an, dans un rayon de cinq kilomètres, une quinzaine de terrains commerciaux se sont vendus en moyenne à 1,7 fois leur valeur foncière, selon une compilation de la firme d’informations immobilières JLR.

Une conseillère-cadre aux grands travaux et aux projets majeurs d’infrastructures du CIUSSS, Emmanuelle Legros, n’a voulu commenter aucune donnée financière liée aux projets de reconstruction des CHSLD. Le coût des terrains, la surchauffe du marché de l’immobilier et les coûts de construction affectent le secteur public.

Selon les informations disponibles au Conseil du trésor, les CHSLD Grace Dart, LaSalle et Dorval sont dans un état de vétusté fonctionnelle et physique qui nécessite leur reconstruction.

Le CHSLD Grace Dart pourrait être déclaré excédentaire, tandis que le CHSLD Dorval sera réutilisé comme ressource intermédiaire.

Le CHSLD Grace Dart sera reconstruit.

Le CHSLD Grace Dart sera reconstruit.

PHOTO : RADIO-CANADA

Aucun montant n’est avancé, mais si les coûts de reconstruction s’avéraient similaires à ceux dans l’est de Montréal, le coût de la reconstruction des trois CHSLD pourrait atteindre 350 M$, y compris l’achat des terrains.

Les six projets à Montréal totaliseraient plus de 800 M$.

Comme l’a martelé le chef de la CAQ, François Legault, lors du débat des chefs organisé la semaine dernière par le réseau TVA, il manque de travailleurs de la construction pour faire des CHSLD, pour faire des maisons des aînés.

Selon le président de l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées (AQDR), Pierre Lynch, il y a urgence de trouver des solutions d’hébergement à court terme, notamment à Montréal.

Il y a un déficit de places en CHSLD, il y a plus de 4270 personnes en attente au Québec (dont 886 à Montréal), rappelle M. Lynch. L’AQDR milite également pour une bonification significative des soins à domicile.

De l’avis de Paul G. Brunet, président du Conseil pour la protection des malades (CPM), la rénovation des CHSLD vétustes doit être une priorité.

Cette vétusté observée à plusieurs endroits ne donne pas le goût d’y travailler ou d’y rester, ni comme employé ni comme usager. Des lieux rénovés, avec la consultation des usagers et du personnel, donneraient sûrement un bon élan au projet de M. Dubé de faire du réseau ”un employeur de choix”, comme il l’a dit récemment.

Avant de construire des maisons des aînés, n’aurions-nous pas dû ou ne devrions-nous pas, comme tout bon opérateur ou gestionnaire d’immeubles, mettre l’état des bâtiments existants à jour? se demande M. Brunet.

Source : radio-canada.ca , Daniel Boily , davide gentile 22/09/2022

AQDR