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« Avec une note de 66 %, les Québécois ont beau être premiers au pays, ils sont quand même assez critiques de leur société », écrit notre chroniqueur.
Les Québécois forment-ils une société humaniste, bienveillante, qui agit pour le mieux-être de la communauté ?
Oui, en tout cas par rapport au reste du pays, selon un nouvel indice d’humanité dévoilé cette semaine par un groupe qui a sondé les Canadiens.
Bonne nouvelle : parmi les Canadiens, les Québécois sont ceux qui se déclarent les plus satisfaits de l’humanité de leur société avec une note globale de 66 %. Suivent la Colombie-Britannique (61,3 %), l’Ontario (60,3 %), les provinces de l’Atlantique (60 %), le Manitoba et la Saskatchewan (59,5 %), et l’Alberta (56,5 %).
Qu’est-ce que l’humanité d’une société ? C’est la bienveillance et la compassion pour autrui, ainsi que l’engagement pour le mieux-être de sa communauté.
Mesurer précisément le niveau d’humanité d’une société est impossible. On ne calcule pas ça comme le salaire horaire moyen ou le produit intérieur brut.
Le groupe mené par le consultant Pierre Côté (celui-là même qui a créé l’indice de bonheur Léger en 2006) a fait ce qui s’en approche le plus possible : mesurer la perception de notre niveau d’humanité, grâce à des sondages.
Bref, demander aux gens s’ils sont satisfaits du niveau de générosité de la société, de l’état de la démocratie, de l’engagement, de la confiance dans les médias, de l’ouverture et de la tolérance, de la liberté d’expression, de la culture, de l’égalité hommes-femmes, etc. Plus ils sont satisfaits, plus ils ont la perception de vivre dans une société bienveillante et humaniste.
En sondant 3001 Canadiens, le groupe de Pierre Côté a ainsi mesuré la perception du niveau d’humanité collective selon 14 critères bien précis1.
Avec une note de 66 %, les Québécois ont beau être premiers au pays, ils sont quand même assez critiques de leur société.

PHOTO YAN DOUBLET, ARCHIVES LE SOLEIL
Pierre Côté
70 % serait la note de passage. En bas de 60 %, on est dans le rouge. À 66 %, le Québec ne nage pas dans l’humanité, mais les Québécois sont plus satisfaits de l’humanité de leur société que le reste des Canadiens.
Pierre Côté, créateur du nouvel indice d’humanité en collaboration avec la firme de sondages Léger
Le plus intéressant dans cet exercice, ce n’est pas tant de se comparer aux autres Canadiens.
C’est de voir les aspects de notre société dont nous sommes les plus satisfaits. Et ceux dont nous sommes les moins satisfaits, pour nous améliorer.
Les Québécois estiment donc que la société québécoise se distingue en matière d’égalité hommes-femmes, d’ouverture et de tolérance, de relations de travail, de liberté d’expression et de paix sociale. En revanche, ils sont préoccupés par les enjeux d’équité, de justice et d’environnement.

Grande différence avec les Canadiens des autres provinces : les Québécois ont davantage confiance dans les médias (note de 64 %, comparativement à 59 % au Canada et 52 % en Alberta).
En plus de la perception de l’humanité collective, l’équipe de Pierre Côté a mesuré la perception de l’humanité individuelle.
Résultat étonnant et intéressant : en matière d’humanité individuelle, il y a très peu de différences entre les Québécois et le reste des Canadiens. D’une province à l’autre, le résultat varie entre 77 % et 80 % (le Québec arrive 1er à 80 %).
Partout au pays, les Canadiens s’estiment donc plus humanistes individuellement que collectivement. C’est normal, selon Pierre Côté. « On pense qu’on est plus généreux que la société », dit-il. Ce qui l’a surpris, c’est l’écart important entre l’humanité individuelle et collective. Plus l’écart est élevé (16 % au Canada, 14 % au Québec), plus les gens sont insatisfaits de leur société.
En matière d’humanité individuelle, donc, les Canadiens de toutes les provinces s’évaluent pratiquement sur un pied d’égalité. Et en matière d’humanité collective, les Québécois sont ceux qui jugent le mieux leur société. Pierre Côté a quatre hypothèses pour expliquer ça.
Au Québec, nous sommes plus conciliants, la notion d’intérêt collectif est très forte, nous sommes peut-être un peu plus chauvins, et peut-être que les choses ne sont pas si pires que ça.
Pierre Côté, créateur de l’indice en collaboration avec la firme de sondages Léger
L’équipe de Pierre Côté compte mettre à jour l’indice d’humanité chaque année, question de voir si l’humanité des Québécois augmente ou diminue. « L’objectif, c’est de s’améliorer. Avec cette mesure, on fixe une barre », dit M. Côté, un consultant et ex-publicitaire qui a créé l’indice de bonheur Léger en 2006 pour mesurer le niveau de bonheur des Québécois.
Concrètement, on fait quoi avec ce nouvel indice d’humanité ?
Pierre Côté aimerait l’utiliser pour permettre aux Québécois d’accroître leur humanité.
Il cite cinq conseils pour y arriver : favoriser les échanges respectueux, être plus disponible pour aider les autres, adopter des comportements favorables à l’environnement, être à l’écoute des autres, combattre les préjugés. « Ce sont de petites choses simples, dit Pierre Côté. Si on améliore un peu notre bilan individuellement, on va l’améliorer collectivement. »
Bref, c’est la théorie des petits pas.
Sur le nouveau site web de l’indice d’humanité, vous pouvez commencer par faire un test pour connaître votre niveau d’humanité individuelle2.
« On veut créer un mouvement, dit Pierre Côté. Arrêtons de nous plaindre que ça ne va pas super bien, et voyons ce que nous pouvons faire pour nous améliorer. »
1. Sondage auprès de 3001 Canadiens du 15 au 19 août 2024. Marge d’erreur de 1,79 %, 19 fois sur 20.
SOURCE: Les Québécois, champions de la bienveillance au Canada | La Presse