Legault promet des maisons des aînés « partout », pour tous

Ils aspirent à être élus premier ministre du Québec, le 3 octobre prochain. Au cours des prochains jours, les chefs des cinq principaux partis répondront aux questions de nos journalistes.

S’il est réélu, François Legault entend lancer une deuxième phase de construction de maisons des aînés pour qu’il y en ait « partout » et « pour tout le monde » qui en a besoin. Elles « coûtent cher », mais il n’y a rien de « trop beau pour nos aînés », insiste le chef caquiste.

Dans une entrevue accordée à l’équipe éditoriale de La Presse lundi, il a déploré que l’on « mette en opposition » les soins à domicile et les maisons des aînés. Plus tôt dans la campagne électorale, il a promis 900 millions de plus en quatre ans dans les soins à domicile, sans toutefois préciser l’avenir de son programme de maisons des aînés, promesse phare de sa campagne de 2018. Il ouvre maintenant son jeu, à une semaine du scrutin.

« Je suis d’accord, les gens veulent rester le plus possible à la maison », mais une phase 2 est nécessaire « pour les personnes qui ne sont plus autonomes et qui ont besoin de soins à temps plein », a-t-il affirmé. « Notre objectif, c’est qu’il y ait des maisons des aînés pour tout le monde, partout. »

Au cours de l’entrevue, il a soutenu que le parti fournirait plus tard dans la journée le nombre de maisons et de places supplémentaires qui seraient créées. On a finalement dit à La Presse que ce serait déterminé après les élections, donc au cours d’un éventuel deuxième mandat.

Ce serait fait à la suite des conclusions de la commissaire à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay, à qui le gouvernement Legault a demandé de faire des recommandations pour améliorer l’offre de services en soins à domicile. Un rapport provisoire est attendu en décembre. Un gouvernement caquiste ferait alors un bilan des besoins en soins à domicile et en maisons des aînés, selon les explications du parti.

La facture pour construire une maison des aînés s’élève à 800 000 $, voire 1 million par chambre, ce qui ne freine pas François Legault.

« Les maisons des aînés, c’est vrai qu’elles coûtent cher. Avec les nouvelles normes à la suite de la pandémie, elles coûtent cher. Elles sont plus lumineuses, il y a juste une personne par chambre, elles sont équipées avec tous les équipements modernes. C’est bien de valeur, mais il n’y a personne qui va me dire que c’est trop beau pour nos aînés », a-t-il lancé.

Il n’en peut plus d’entendre ses adversaires, et en particulier le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, « dire qu’on ne peut plus mettre d’argent dans les maisons des aînés, on va juste en mettre en services à domicile ». Il rappelle que tout en lançant le chantier des maisons des aînés, il a investi davantage que promis dans les soins à domicile au cours de son mandat.

« Graduellement »
Il y a quatre ans, la Coalition avenir Québec (CAQ) s’était engagée à créer 2600 places dans un nouveau concept d’hébergement, les maisons des aînés, au coût de 1 milliard de dollars. La facture a grimpé à 1,5 milliard en 2020, à 2,36 milliards l’an dernier, puis à 2,79 milliards le printemps dernier, comme le révélait La Presse. Le projet global consiste à offrir un total de 3480 places pour des aînés et des adultes lourdement handicapés dans 46 maisons – dont 33, comptant 2600 places, seraient livrées cet automne. Les autres maisons doivent voir le jour l’an prochain.

L’ouverture des premières maisons provoque un déplacement important de la main-d’œuvre dans le réseau de la santé, dans un contexte de pénurie, ce qui force des démarrages progressifs, comme La Presse le constatait au printemps.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Maison des aînés en construction l’hiver dernier à Saint-Étienne-de-Lauzon, dans Chaudière-Appalaches

Pour la deuxième phase, « on va y aller graduellement », a indiqué François Legault, rappelant le nombre limité de travailleurs de la construction. « Faut rénover des hôpitaux, faire du transport collectif, rénover beaucoup d’écoles. Alors on va en faire [des maisons des aînés] au fur et à mesure. On est rendu à un PQI [Plan québécois des infrastructures] de 140-150 milliards. On est accoté, comme avec le nombre de travailleurs », a-t-il expliqué.

Forte hausse à venir
Quelque 4270 personnes sont sur la liste d’attente pour obtenir une place en CHSLD, un nombre qui a augmenté sous le gouvernement caquiste. Et selon Statistique Canada, le nombre de Canadiens âgés de plus de 90 ans triplera d’ici environ 30 ans. Dans ses propres prévisions, le ministère de la Santé et des Services sociaux estime que 20 264 personnes supplémentaires, âgées de 70 ans ou plus, auront besoin d’une place d’hébergement de longue durée en 2028, une hausse de 60 % par rapport à la situation actuelle.

« Est-ce que ces chiffres tiennent compte du virage qu’on fait dans les soins à domicile ? », s’est demandé M. Legault. Il a avancé qu’« il y a beaucoup de personnes actuellement dans les CHSLD qui, avec des soins et des services, auraient pu rester à la maison ». Rappelons qu’une personne doit tout de même avoir une perte d’autonomie très importante et nécessiter plus de trois heures de soins par jour pour obtenir une place dans un CHSLD.

Des chercheurs du Pôle santé de HEC Montréal ont émis des réserves quant au modèle des maisons des aînés dans un rapport remis à la commissaire à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay, en octobre 2021.

Selon ces chercheurs, « les contraintes spécifiques des maisons des aînés », c’est-à-dire sans tenir compte de la surchauffe et de l’inflation, « font que leur coût de construction représente entre 1,5 et 2 fois les coûts de construction des CHSLD traditionnels ».

« Le coût très élevé des maisons des aînés semble en faire un modèle difficilement soutenable, considérant le nombre important de places à construire dans les prochaines années afin de faire face à l’évolution démographique », ajoutent les professeurs Samuel Sponem, Caroline Lambert, Élodie Allain et Denis Châteauvert.

Dans un rapport déposé le 11 mai à l’Assemblée nationale, la vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, s’inquiétait de la demande croissante pour des places en hébergement et des services insuffisants en soins à domicile. « Si aucun changement n’est apporté, les aînés en grande perte d’autonomie n’auront pas tous accès à des soins de longue durée publics d’ici 2028 ni à une intensité de services suffisante », conclut-elle, déplorant que le gouvernement navigue à vue et ne fasse pas une planification digne de ce nom.

Lors de l’entrevue, François Legault a également rappelé son intention de rénover des CHSLD, une opération qui a connu du retard dans les dernières années. Des projets dont la réalisation devait être accélérée en vertu d’une loi adoptée par son gouvernement ne se sont toujours pas concrétisés. Par exemple, sept projets de reconstruction de CHSLD à Montréal (David-Benjamin-Viger, Dorval, Grace Dart, Jeanne-Le Ber, Lasalle, Nicolet et Rousselot) sont seulement à l’étape de la « planification », selon des documents du Conseil du trésor.

LA CAQ BAISSE SES PRÉVISIONS DE CROISSANCE
Après avoir brandi le spectre d’une récession dimanche, François Legault reconnaît que son parti doit revoir à la baisse les prévisions de croissance économique inscrites dans son cadre financier. La CAQ a décidé que ses engagements allaient engendrer une croissance économique supplémentaire d’un demi-point de pourcentage par an, de 2024 à 2027, par rapport aux prévisions du ministère des Finances. La croissance passait ainsi de 1,5 % à 2 %, ce qui était également supérieur aux prévisions des économistes du secteur privé. Cela équivalait à près de 2 milliards de dollars en 2026-2027. Le risque d’une récession, qui vient de passer à 50 % selon la CAQ, change les plans. Ces revenus supplémentaires ne seront pas au rendez-vous et la croissance économique ne sera pas aussi forte. Mais la provision de 2 milliards par année que la CAQ a mise dans son cadre financier « va compenser la différence », a fait valoir M. Legault.

FORÊTS : « REPRENDRE LE CONTRÔLE » SUR DES INTÉRÊTS ÉTRANGERS
Ce sont maintenant des intérêts étrangers qui forment le plus gros acteur de l’industrie forestière du Québec. Il y a trois mois, Papier Excellence, propriété d’une riche famille indonésienne, a fait l’acquisition de Résolu, principal producteur forestier québécois. Il y a un an, elle avait mis la main sur Domtar, qui était passé aux mains d’Américains en 2007. L’entreprise a accès à des centaines de milliers d’hectares de forêt publique et 160 000 autres de forêt privée. François Legault, pour qui la défense des fleurons québécois est une priorité, a été piqué au vif lorsqu’on lui a rappelé ce contrôle étranger sur une bonne part de la forêt québécoise. « La vente des grandes entreprises forestières a commencé avant le gouvernement de la CAQ, malheureusement. On va essayer de retrouver le contrôle », a-t-il affirmé, énigmatique. « Dans les quatre dernières années, on a beaucoup plus acheté d’entreprises d’ailleurs que l’on s’est fait acheter des entreprises québécoises. Dans le secteur forestier, c’est bien de valeur, s’il n’y a pas d’acceptabilité sociale, il n’y aura pas d’exploitation. » Cela vaut aussi pour les mines. « Il y a beaucoup de monde dans beaucoup de régions qui veulent des mines. Mais s’il n’y a pas d’acceptabilité sociale dans une région ou une sous-région, on ne le fera pas. »

IMMIGRATION : LEGAULT RELANCERA SA DEMANDE À OTTAWA
S’il est réélu, François Legault entend à nouveau faire pression sur Ottawa pour rapatrier le programme de regroupements familiaux en matière d’immigration. Il ne baisse pas les bras malgré le refus répété du gouvernement Trudeau. Il est clair sur son objectif : « exiger » que, par exemple, un conjoint « parle français avant d’arriver » au Québec. « Je trouve ça raisonnable », a-t-il dit.

source : lapresse.ca , Tommy Chouinard , 27/09/2022

AQDR