Le système de santé norvégien est considéré comme un des meilleurs du monde en raison de la grande accessibilité de ses médecins. Le principe de base est le suivant : chaque individu qui vit en Norvège a le droit de choisir son omnipraticien attitré et d’obtenir un rendez-vous en moins de cinq jours quand il le demande. Nous avons tenté de comprendre comment un tel système pouvait fonctionner.
En Norvège, on peut trouver un médecin de famille en trois clics de souris.
Un premier clic pour accéder au portail gouvernemental, un autre pour préciser la région où on habite et un dernier pour choisir un médecin dans la liste qui apparaît. Le tout en moins d’une minute. Et le médecin choisi est obligé d’accepter.
On croit rêver.
Pour affiner leur choix, les citoyens norvégiens peuvent aussi consulter un site web associé, totalement ouvert au public, où chaque médecin est évalué par ses patients. Un code d’étoiles attribuées selon le taux de satisfaction, comme on le ferait après une location d’auto ou un séjour à l’hôtel!
Julien Bourelle, un Québécois installé en Norvège depuis 13 ans, nous fait découvrir cette plateforme.
« Le système de santé en Norvège fonctionne très bien, c’est centralisé, c’est transparent, puis le service est très bon; je n’ai rien à redire. »— Une citation de Julien Bourelle, Québécois installé en Norvège
Sa femme Elise Kollerud et lui ont déménagé récemment en banlieue d’Oslo. Ils ont ainsi pu mesurer la grande souplesse du système. Il y a un bouton ‘‘Changer de médecin’’. On clique et une nouvelle liste apparaît. Par exemple, celui-ci, vous voyez, il a 7 places sur 1250 qui sont disponibles. Je pourrais m’inscrire maintenant sur sa liste de patients.
Julien Bourelle et Elise Kollerud
PHOTO : RADIO-CANADA / EMILIO AVALOS
En Norvège, chaque patient a le droit de changer de médecin deux fois par an.
Cette grande transparence semble très bien acceptée par les médecins norvégiens, comme nous le dit le Dr Nicolas Oyane, médecin généraliste et chercheur à sa clinique de Bergen. Tout le monde peut voir quels médecins existent, combien de places ils ont, et un patient peut même choisir de s’inscrire sur une liste d’attente chez un médecin de son choix qui n’a pas de place. Ça veut dire que l’accès, pas seulement aux médecins, mais aussi au registre central, est très bon.
Une réforme bien acceptée
La refonte du système de santé norvégien s’est faite en 2001. La Norvège vivait alors une crise similaire à celle du Québec. Près de 10 % de la population n’avait pas de médecin attitré, la plupart étant des personnes plus malades et plus vulnérables.
Les médecins pouvaient accepter les patients de leur choix et il n’y avait aucune liste publique. Il fallait faire quelque chose. Le gouvernement de l’époque a donc décidé d’inverser les rôles. Aujourd’hui, c’est le patient qui choisit!
Le Dr Nicolas Oyane, médecin généraliste et chercheur en médecin familiale
PHOTO : RADIO-CANADA / EMILIO AVALOS
Le Dr Oyane ajoute : On a une loi qui dit que, si vous téléphonez chez votre généraliste, on doit prendre votre appel en moins de deux minutes et vous donner un rendez-vous en moins de cinq jours.
Les patients doivent toutefois payer des frais modérateurs de base à toutes les visites. Des frais minimes qui sont en général bien acceptés par le public.

Le Téléjournal avec Céline GalipeauLe système de santé exemplaire en Norvège
Le reportage de Sylvain Desjardins
Pour une visite chez un médecin, c’est à peu près 20 euros [30 dollars canadiens]
, précise le médecin de Bergen. Ce n’est jamais très haut.
Une limite d’environ 300 $ par patient par année est prévue, toutes visites médicales confondues, y compris chez un spécialiste. Dans les faits, le coût de la vie étant très élevé en Norvège, cette somme est tout à fait négligeable, l’équivalent de moins de 10 $ par visite au Canada.
La réforme norvégienne de 2001 a été adoptée assez rapidement, compte tenu de l’ampleur des changements apportés, soit en moins d’un an. Il y a eu de la résistance chez les médecins, bien sûr, mais le compromis s’est fait autour de la nécessité de prendre en charge les centaines de milliers de patients orphelins.
Les omnipraticiens ont accepté le principe d’augmenter le nombre de leurs patients jusqu’à un plafond de 1500. Dans les faits, la moyenne de patients par médecin n’a jamais dépassé les 1200, parce que le système avait une assez grande capacité d’absorption.
Il y a 4,6 médecins par tranche de 1000 habitants en Norvège. C’est presque deux fois plus qu’au Canada (2,6) et qu’au Québec (2,5).
Avant la réforme, beaucoup de nos patients orphelins se retrouvaient dans les cliniques d’urgence pour soigner leurs petits bobos
, nous dit Ole Henrik Bjorkholt, sous-ministre de la Santé, lui-même omnipraticien. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas et les urgences sont beaucoup moins encombrées
, ajoute-t-il.
Ole Henrik Bjorkholt, sous-ministre de la Santé de Norvège
PHOTO : RADIO-CANADA / EMILIO AVALOS
Une charge de travail croissante
Mais la Norvège, comme d’autres pays, fait face à de nouveaux défis : population vieillissante, augmentation de la charge de travail des omnipraticiens, nombreux départs à la retraite de professionnels de la santé, pénurie de médecins.
Les journaux sont tapissés d’histoires de jeunes femmes médecins généralistes, des mères qui travaillent jusqu’à 5 heures, vont ensuite à la garderie pour chercher leurs enfants, font à manger… et continuent le travail en soirée jusqu’à minuit, chaque jour, et même les week-ends!
, raconte le Dr Nicolas Oyane.
Le système commence donc à montrer des signes de saturation. Le sous-ministre Bjorkholt le reconnaît : Un médecin qui avait 1500 patients sur sa liste en 2001 devrait réduire ce nombre à 900 pour retrouver une quantité de travail équivalente, aujourd’hui. Il va falloir trouver des solutions pour recruter plus de médecins, dit-il. Il faudra probablement ajuster un peu les salaires!
Les salaires des omnipraticiens sont très bons en Norvège, soit l’équivalent de deux fois et demie le revenu moyen au pays. Mais c’est beaucoup moins qu’au Québec, par exemple, où les médecins ont un revenu cinq fois supérieur au salaire moyen.
La Clinique et centre de recherche en médecine familiale de Bergen, en Norvège
PHOTO : RADIO-CANADA / EMILIO AVALOS
Le modèle pourrait-il être importé au pays?
Question : est-ce que le système de santé norvégien pourrait être importé au Canada? Il faudrait peut-être ajouter une part de la mentalité scandinave pour y arriver.
Les médecins n’ont pas un statut social particulier ici
, dit Julien Bourelle. Ils ne font pas vraiment partie d’une élite, même s’ils sont, bien sûr, très respectés. Le concept même d’élite existe très peu en Norvège.
Le Québécois d’origine était venu en Norvège pour obtenir un doctorat en ingénierie. Au fil du temps, il a plutôt choisi d’étudier à fond la culture norvégienne… et il est devenu un conférencier très prisé sur le sujet, en Scandinavie et ailleurs dans le monde.
« Ce qui est typique en Norvège, c’est l’esprit d’entraide. Les gens veulent apporter leur contribution au pays, à la société en général, plutôt que de chercher à atteindre un niveau social plus élevé. »— Une citation de Julien Bourelle, Québécois installé en Norvège
Sa conjointe, Elise Kollerud, Norvégienne d’origine et ex-infirmière dans le milieu hospitalier, le confirme. Si on se compare avec d’autres pays, on est bien en Norvège. On peut toujours critiquer, mais notre système de santé est parmi les meilleurs au monde. Il faut s’en réjouir.
Une étude récente effectuée en Norvège montre que les patients qui sont suivis sur une longue période par le même médecin ont moins besoin d’être hospitalisés. Et leur qualité de vie s’en trouve nettement améliorée.
source : radio-canada.ca Le secret du système de santé norvégien