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La présentation au début d’octobre d’un nouveau calculateur de prestations du Régime de rentes du Québec (RRQ) a poussé plusieurs d’entre vous à nous envoyer des questions concernant ce programme. L’actuaire en chef du RRQ nous a accordé une entrevue pour nous aider à y répondre.
Lisez notre texte à propos du calculateur de prestations du RRQ de la CFFPLisez la chronique de Marie-Eve Fournier
Comme plusieurs questions reçues étaient liées à une situation personnelle, nous les avons reformulées pour qu’elles puissent profiter au plus grand nombre de lecteurs tout en répondant à la question initiale. Nous avons aussi regroupé les questions quasi identiques pour éviter les redondances.
Allons-y donc avec la question la plus générale, pour aller ensuite vers les plus précises.
Pourquoi est-ce que tout le monde reçoit une somme différente du RRQ à la retraite ?
« Le RRQ est un régime de remplacement de revenus, pas un régime de sécurité sociale pure comme la pension de la Sécurité de vieillesse. Donc la somme qu’on va verser à la retraite va dépendre du portrait de carrière, des montants de salaire que les gens ont reçus tout au long de leur carrière. Trois variables influencent le montant : le nombre d’années lors desquelles on a participé au régime, les salaires qu’on va avoir reçus – et sur lesquels on a cotisé –, puis le moment auquel on choisit de prendre sa retraite », explique Jean-François Chevarie, actuaire en chef et directeur général du RRQ.

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Jean-François Chevarie, actuaire en chef et directeur général du Régime des rentes du Québec (RRQ)
Les gens qui reçoivent plus d’argent ont davantage contribué au RRQ pendant leur carrière, c’est pourquoi ils en récupèrent davantage une fois à la retraite. Le calcul tient compte de l’inflation, puisque, évidemment, des revenus de 20 000 $ en 1970 et en 2025 ne peuvent pas être considérés de la même façon.
« On permet d’aller chercher un remplacement de revenus qui va vraiment être adapté à la situation de chacun, au même titre que les gens qui ont des revenus différents dans leur carrière. Lorsqu’ils arrivent à la retraite, s’ils veulent maintenir leur niveau de vie, il faut qu’il y ait un pattern de revenus qui va être semblable à ce qu’ils ont eu au courant de leur carrière », poursuit Jean-François Chevarie.
La pension de la Sécurité de vieillesse (SV) fonctionne différemment. Pour recevoir la somme maximale, il faut simplement avoir vécu suffisamment d’années au Canada. Un revenu élevé peut au contraire mener à une rente plus basse, car à partir d’un certain seuil de revenu, il faut rembourser une partie ou la totalité de sa pension. Il est aussi possible de repousser l’âge de demande des prestations jusqu’à 70 ans pour maximiser les sommes reçues.
Comment sont calculées les rentes de retraite du RRQ des personnes immigrantes qui arrivent au Québec en milieu de carrière ?
Elles sont calculées de la même façon que celles de tous les travailleurs : en fonction du nombre d’années travaillées au Québec, de leur salaire et de l’âge à partir duquel ils souhaitent recevoir leur rente.
Il peut être difficile ou impossible pour les personnes immigrantes d’aller chercher les 40 années de service qui permettent de maximiser le RRQ, selon l’âge auquel elles arrivent au Québec.
« On a un service à Retraite Québec, le Bureau des ententes de sécurité sociale, qui permet d’accompagner les personnes immigrantes pour récupérer des sommes dans leur pays d’origine », précise toutefois Frédéric Lizotte, porte-parole et chef de division au sein de la direction générale des communications chez Retraite Québec. Une entente est en vigueur avec une cinquantaine de pays pour aider à rapatrier les sommes contenues dans le régime public auquel la personne a contribué plus tôt dans sa carrière.
De quelle façon les années de revenus moindres en raison de congés parentaux ou d’invalidité ont-elles un impact sur le calcul des prestations ?
Lors du calcul des prestations de RRQ, le nombre total d’années de service (disons, 40 ans) est pris en compte, puis une formule basée sur la moyenne des salaires perçus au fil des ans est appliquée.
Pour éviter que des années à faible revenu viennent trop influencer les prestations touchées, les 15 % d’années de revenus les plus faibles sont exclues du calcul sur le salaire.
Mais ce n’est pas tout : les revenus perçus lorsque l’on s’occupe de jeunes enfants ou lorsque l’on est en situation d’invalidité sont aussi exclus du calcul de la moyenne pour ne pas pénaliser ces personnes. Plus précisément, il s’agit des situations suivantes :
- Les années où on reçoit des prestations familiales pour des enfants de moins de 7 ans ou des enfants de moins de 19 ans en situation de handicap lourd.
- Les années où on bénéficie d’une rente d’invalidité du RRQ.
- Les années où on bénéficie d’une rente d’invalidité de la CNESST, à quelques conditions, notamment qu’il s’agisse d’un arrêt de travail de 24 mois consécutifs.
L’exclusion n’est pas automatique : au moment du calcul, ces années pourraient être conservées si c’est avantageux. « Si quelqu’un dans une de ces situations touche un bon salaire qui tirerait sa moyenne vers le haut, au moment du calcul, on va utiliser ces années », précise Jean-François Chevarie.
« C’est toujours à l’avantage du client, on ne le pénalise jamais. Si une option est avantageuse, on la prend, sinon on prend l’autre », affirme Frédéric Lizotte.
Les calculateurs actuellement disponibles ne permettent pas de tenir compte de ce paramètre dans la modélisation, car les prestations familiales, notamment, n’apparaissent pas nécessairement dans les relevés de participation.
« On dit aux gens : on va vous confirmer l’impact du retrait de ces années-là au moment où vous allez faire votre demande. Si vous voulez vraiment avoir un portrait très personnalisé, vous pouvez appeler au service à la clientèle, ils peuvent faire une simulation », affirme Jean-François Chevarie.
Comment est calculée la rente de quelqu’un qui a travaillé à la fois au Québec et dans une autre province ?
À l’extérieur du Québec, c’est le Régime de pensions du Canada (RPC) qui remplace le RRQ. Les gens qui ont travaillé pendant une partie de leur carrière dans une autre province ou un autre territoire, par exemple en Ontario ou en Colombie-Britannique, y ont contribué au lieu de cotiser au RRQ pendant ces années.
Les deux entités ont des ententes de transfert de sommes pour simplifier la situation au moment de la retraite. « À la retraite, les gens vont recevoir seulement une rente, même s’ils ont travaillé à la fois au Québec et ailleurs. Elle sera versée par le régime dans lequel ils vont terminer leur carrière », explique Jean-François Chevarie.
Quelqu’un qui travaille actuellement au Québec peut voir dans son relevé de participation les sommes sur lesquelles une cotisation a été prélevée pour chaque année, que ce soit au Québec ou dans une autre province. L’inverse est aussi vrai, puisque l’état de compte du cotisant du RPC comprend aussi les cotisations au RRQ.
Lorsqu’une partie de nos sommes de RRQ va à notre ex-conjoint, récupère-t-on cette partie de notre rente au décès de l’ex-conjoint, s’il survient avant le nôtre ?
La réponse est simple : non, ce n’est pas le cas.
« Quand un partage est décrété par un juge, c’est comme si les gains de travail étaient transférés d’une personne à l’autre, ce n’est pas réversible. C’est comme si on se partage une maison dans un divorce – au décès de l’ex-conjoint, notre partie ne nous revient pas, sauf si c’est indiqué dans le testament. Mais la particularité du RRQ, c’est que ce n’est pas quelque chose qui se met dans un testament », dit-il.
Les sommes ne sont donc plus distribuées à partir du décès de la personne.
Comment une personne qui reçoit une rente du conjoint survivant du RRQ peut-elle connaître la somme totale qu’elle touchera lorsqu’elle demandera sa rente de retraite ?
Jean-François Chevarie le concède : cette situation n’est pas simple, car il y a une somme maximale qui peut être perçue au moment de la combinaison des deux rentes, sauf pour la partie contenue dans le volet supplémentaire, pour lequel il n’y a pas de plafond. On ne peut donc pas tout simplement faire une addition : il faut déterminer si la rente de retraite ferait dépasser le plafond, en fonction du salaire fait d’ici la retraite et de l’âge auquel les prestations seront demandées. Ouf !
« Le régime a été construit souvent par morceaux. On donnait une prestation d’une certaine façon à un moment donné, puis des changements de loi font en sorte qu’on a bonifié ça pour donner un peu plus à certaines populations ou protéger contre certaines iniquités, et des fois, ça s’est complexifié », explique-t-il.
Il recommande aux gens dans cette situation d’appeler à Retraite Québec pour que quelqu’un fasse le calcul à leur place.
De quelle façon le fait de recevoir une rente d’invalidité affecte-t-il le calcul de la rente de retraite du RRQ ?
Comme indiqué plus tôt, les revenus gagnés dans les années lors desquelles une personne reçoit une rente d’invalidité du RRQ (ou de la CNESST, selon les critères mentionnés dans la réponse à la troisième question) ne sont pas utilisés dans le calcul de la moyenne servant à déterminer les prestations de retraite du RRQ.
Par exemple, si on regarde le dossier de quelqu’un qui aurait touché une rente d’invalidité du RRQ pendant 20 de ses 40 années de service, il sera considéré comme ayant contribué 40 ans au RRQ, mais la moyenne de salaire sera seulement faite sur les 20 années où il n’était pas en invalidité, moins les 15 % d’années où le salaire a été le plus bas.
Quelqu’un qui reçoit une rente d’invalidité du RRQ doit-il absolument demander sa rente de retraite à un âge précis ?
Avant 60 ans, la rente d’invalidité est composée de deux éléments. « Il y a une somme uniforme que tout le monde reçoit indépendamment de son salaire et de sa situation, et une somme qui varie selon tout ce que tu as accumulé [en cotisations au régime au fil des ans] », explique Jean-François Chevarie.
Pour la suite, il faut savoir que les règles ont changé depuis janvier 2024.
De 60 à 65 ans, la rente se transforme et devient composée du montant uniforme, auquel s’ajoute automatiquement une rente de retraite réduite, confirme l’actuaire.
Une fois que l’on atteint 65 ans, les prestations d’invalidité cessent complètement, et la personne tombe uniquement sur sa rente de retraite. À ce moment, celle-ci est versée à 100 %, sans pénalité, même si elle est perçue depuis quatre ans, souligne Jean-François Chevarie. La personne pourrait même décider à ce moment de la repousser jusqu’à 72 ans pour toucher un montant plus élevé, comme c’est le cas pour la population générale.
« Généralement, entre 60 et 65 ans, les gens devraient recevoir plus qu’ils recevaient avant, même chose lorsqu’ils atteignent 65 ans », donne-t-il comme règle générale.
SOURCE: Le RRQ et vous | Des réponses à vos questions | La Presse

