Le réseau de la santé durement touché

Le personnel de la santé n’est pas épargné par la nouvelle hausse du nombre de cas de COVID-19 qui frappe la province. On compte actuellement 6659 travailleurs de la santé absents pour des raisons liées à la COVID-19, soit 1037 de plus que la semaine dernière.

« Ça s’annonce comme un été difficile », dit la Dre Amélie Boisclair, intensiviste à l’hôpital Pierre-Le Gardeur, à Terrebonne. Elle-même a contracté la COVID-19 à la fin du mois de juin. Un collègue s’était proposé pour la remplacer.

« Il venait de travailler 21 jours dans le mois aux soins intensifs et on a dû lui ajouter quatre jours. Si personne n’avait pu me remplacer, il aurait fallu que je revienne plus tôt », dit la médecin, qui a été en isolement pendant 10 jours.

Les absences causées par le virus s’ajoutent à la pénurie de personnel dans le réseau. « La charge de travail pour ceux qui restent sur le plancher est plus lourde. On est dans une spirale descendante », dit-elle.

Au début du mois de juin, la province enregistrait 3670 absences liées à la COVID-19 chez les travailleurs de la santé, environ la moitié de ce qui est recensé actuellement. « Ce sont des indicateurs qui vont dans la mauvaise direction et qui prouvent qu’on est dans le début d’une nouvelle vague », dit le DDonald Vinh, infectiologue et microbiologiste au Centre universitaire de santé McGill.

Un système fragile

Le DVinh s’inquiète de l’état du système de santé. « Quand on enlève les travailleurs de la santé parce qu’ils sont malades, le système devient encore plus fragile. C’est comme le jeu de Jenga. On essaie de bouger les blocs sans faire tout tomber, notamment en réaffectant du personnel. Mais un jour, la tour va tomber », illustre-t-il.

L’infectiologue soutient que le personnel de la santé « est épuisé autant mentalement que physiquement ». « En plus, ils doivent parfois perdre leurs vacances pour combler les trous », dit-il.

Le DJoseph Dahine, intensiviste à l’hôpital de la Cité-de-la-Santé, à Laval, renchérit. « On est chanceux qu’il fasse beau, qu’il fasse soleil longtemps, ça aide le moral. Mais si ça ruine les vacances de tout le monde et que ça empire à l’automne, ce ne sera pas de bonnes nouvelles. C’est ce que j’appréhende », dit-il.

« Un défi de taille »

Pour le DMatthew Oughton, spécialiste des maladies infectieuses à l’Hôpital général juif, les absences qui s’accumulent dans le réseau de la santé représentent un défi de taille, au moment où les taux d’occupation sont gonflés dans plusieurs secteurs de la métropole, dont les principaux, comme l’hôpital Maisonneuve-Rosemont ou encore le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM).

« Le plus difficile ça devient pour les gens de travailler dans le réseau de la santé, le plus compliqué ça va être de retenir les travailleurs, et d’en attirer de nouveaux. Et c’est ce qu’on voit depuis déjà un moment : on perd de bons employés, au lieu d’en recruter », s’inquiète le Dr Oughton.

Ce qui se passe, dit-il, « est encore une pression sur un système qui fonctionne à un niveau sous-optimal », lance encore l’expert. Il rappelle d’ailleurs au passage que la forte transmission du virus dans le réseau « reflète forcément la transmission communautaire de la COVID-19 », aussi très présente dans la population.

Je le dis et je le répète : c’est pour cela que ça devient urgent de relancer le dépistage par PCR dans toute la population, pour avoir une meilleure idée de la situation. La seule analyse des eaux usées n’est pas suffisante.

Le DMatthew Oughton, spécialiste des maladies infectieuses à l’Hôpital général juif

Au CUSM, les travailleurs de la santé absents ne semblent pas avoir contracté la COVID-19 à l’hôpital, indique le DVinh. « Il n’y a pas d’éclosion, donc ça suggère que les travailleurs de la santé sont infectés en communauté », dit-il.

Cette situation semble répandue à travers le réseau de la santé. « Les travailleurs de la santé sont des citoyens comme tout le monde, donc ils vont au resto et ils prennent les transports en commun. Ils sont très conscients des risques, mais on ne peut pas leur demander de s’isoler complètement », dit la Dre Boisclair.

FORTE HAUSSE DES DÉCÈS

La transmission communautaire continue également de se faire sentir dans la province. Québec a rapporté mardi 20 nouveaux décès, une hausse de 67 % sur une semaine. Le Québec rapporte également une augmentation de 147 hospitalisations depuis samedi. Les 1441 personnes hospitalisées actuellement représentent une hausse de 18 % sur une semaine. Aux soins intensifs, les 39 patients représentent une hausse de 8 % sur une semaine. Le premier ministre François Legault a toutefois affirmé mardi « ne pas s’attendre à une hausse majeure » des cas de COVID-19 cet été. Québec surveillera toutefois particulièrement le mois de septembre, « où les enfants reviennent à l’école ».

Avec Pierre-André Normandin et William Thériault, La Presse, et La Presse Canadienne

Source : lapresse.ca

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