Après un hiver marqué par les pépins techniques, le printemps amène son lot de problèmes juridiques au Réseau express métropolitain (REM). Le constructeur du train poursuit deux firmes d’ingénierie pour 137 millions, jugeant qu’ils ont sous-estimé les coûts du projet avant le début du chantier, a appris La Presse.

Henri Ouellette-Vézina

Henri Ouellette-VézinaLa Presse

Dans une poursuite déposée mercredi au palais de justice de Montréal, le consortium qui construit le REM, NouvLR, accuse AtkinsRéalis Canada et AECOM d’avoir fait preuve de « négligence, d’erreurs et d’omissions » avant la réalisation des travaux.

La requête allègue que les deux entreprises, dont l’une fait elle-même partie du consortium NouvLR, ont « fourni un avant-projet largement inadéquat » où « plusieurs éléments importants se sont révélés non conformes aux exigences techniques du projet REM ».

De nombreux exemples de ratés sont donnés dans la poursuite. NouvLR allègue notamment qu’aucun système empêchant la neige et la glace de tomber des structures surélevées du REM n’avait été inclus dans les plans initiaux, entraînant des dépenses additionnelles de 7,7 millions.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Tout cela survient après un hiver particulièrement difficile pour le REM, ponctué par de nombreuses interruptions et un service au ralenti.

On soutient aussi que la conception préliminaire des systèmes de caténaires aériens, ces câbles utilisés pour alimenter les trains en énergie électrique, ne répondait pas à « l’exigence » du projet REM, soit de maintenir le service « même dans des conditions météorologiques extrêmes ».

Tout cela survient après un hiver particulièrement difficile pour le REM, ponctué par de nombreuses interruptions et un service au ralenti. Depuis le mois de mars, toutefois, les pannes sont moins nombreuses.

Pas assez de murs antibruit

Sur le plan du bruit – un enjeu avec lequel la Caisse de dépôt et placement a composé dans plusieurs quartiers –, la poursuite affirme que la quantité de murs antibruit n’était pas appropriée au départ. Le constructeur dit avoir dû augmenter de 300 % le nombre de dispositifs acoustiques, au coût de 13,5 millions.

Dans Griffintown, Pointe-Saint-Charles et L’Île-des-Sœurs, le bruit était devenu un tel enjeu que la Caisse de dépôt a ajouté l’an dernier des absorbeurs dynamiques sur les rails, afin de réduire la propagation des vibrations. Du meulage a aussi été réalisé, ce qui revient à polir les rails pour réduire le bruit du frottement lors du passage du train.

La réclamation la plus importante de NouvLR touche une « conception préliminaire inadéquate des systèmes de distribution d’énergie des trains », ce qui a entraîné un besoin plus grand en équipements électriques qui n’étaient pas pris en compte à l’origine. Cet imprévu aurait coûté 51,2 millions.

NouvLR fait enfin valoir que la conception des piliers et des caissons souterrains supportant la structure surélevée du REM était « inadéquate ». Résultat : les quantités estimées de béton et d’armatures en acier ont été plus grandes que prévu, pour des dépenses de presque 24 millions.

À la future station McGill, qui sera située au cœur du réseau du REM, la « quantité d’acier nécessaire à la construction » aurait été mal évaluée. L’erreur a coûté 5 millions.

Non loin de là, à la station Édouard-Montpetit creusée sous terre à proximité de l’Université de Montréal, c’est l’évaluation des besoins en excavation qui a posé problème. AtkinsRéalis et AECOM auraient sous-estimé le volume à creuser, avec pour résultat une dépense de presque 10 millions, selon la poursuite.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Travaux d’excavation à 70 mètres sous terre de la station Édouard-Montpetit, en novembre 2021

Le prix aurait été plus élevé

Total des réclamations : 137 millions de dollars. Sans toutes ces omissions, NouvLR affirme qu’il aurait déposé « un prix significativement plus élevé dans sa proposition […] et, par conséquent, aurait reçu des paiements d’une valeur plus proportionnelle à l’étendue des travaux réellement effectués ».

Joint par courriel, AtkinsRéalis Canada n’a pas souhaité commenter, étant donné que le dossier est judiciarisé. CDPQ Infra, la filiale de la Caisse de dépôt qui gère le REM, n’est pas impliquée dans la procédure, mais a rappelé que « NouvLR doit livrer à REM un réseau dont les ouvrages sont conformes aux exigences techniques ».

En novembre 2024, le coût de construction du REM a grimpé à 9,4 milliards, soit 2,4 milliards de plus que la facture de 7 milliards prévue en 2018. Le tout provenait d’une mise à jour de l’analyse comptable de la vérificatrice générale (VG), Guylaine Leclerc.

Un peu plus tôt, en septembre 2023, CDPQ Infra avait indiqué qu’il coûterait finalement tout près de 8 milliards. Quelques mois plus tard, la facture avait ensuite été revue à 8,34 milliards.

On ignore encore si l’actuel budget de 9,4 milliards devra à nouveau être majoré. L’arrivée des branches nord et ouest du train léger est prévue en octobre. La livraison de ces deux antennes fait en sorte, depuis plusieurs semaines déjà, que le REM ne roule plus les week-ends sur la Rive-Sud, afin de préparer la migration des centres de contrôle. Cet été, le train léger devra aussi être fermé durant quatre à six semaines sur ce tronçon.

Avec la collaboration de Louis-Samuel Perron, La Presse

SOURCE: Planification « inadéquate » | Le REM au cœur d’une poursuite de 137 millions | La Presse