La nouvelle de la disparition de l’avis de cotisation du fédéral a provoqué un certain émoi.
Pour ceux qui l’ont ratée, l’Agence du revenu du Canada (ARC) songe à communiquer avec les contribuables par voie électronique uniquement, et ce, à partir du 1er janvier prochain.
Tant pis pour les victimes collatérales du « progrès », ces personnes moins à l’aise avec la technologie et celles qui n’ont pas accès à un ordinateur.
Au fédéral, le « progrès » est une notion à géométrie variable.
C’est du moins ce qu’on conclut après avoir écouté le récit de Francine.
Cette retraitée de 82 ans doit remplir un formulaire papier pour récupérer son Supplément de revenu garanti (SRG). La démarche pour mettre la main sur le document est archaïque et chronophage. Internet ? C’est comme si ça n’existait pas.
SRG après une perte de revenu
Prenons le temps de relater comment cette dame s’est empêtrée dans les dédales de la machine, l’histoire est éducative sur le plan des finances personnelles.
En juin 2021, Francine a épuisé son fonds enregistré de revenu de retraite (FERR), ce qui a provoqué une baisse soudaine de ses entrées d’argent. Cette perte, heureusement, peut être en partie compensée par le SRG, un complément à la pension fédérale de la Sécurité de la vieillesse prévu pour les personnes âgées moins nanties.
Le SRG auquel a droit une personne retraitée est fixé pour une période de 12 mois, de juillet (2021) à juin (2022), et ce montant est calculé sur la base des revenus déclarés de l’année précédant (2020) la demande. J’indique des années pour que vous suiviez bien, car il est facile de s’y perdre. Elles correspondent à la chronologie dans l’histoire de Francine.
Si le FERR est tari en cours d’année, un accès immédiat vers le SRG s’ouvre malgré ce qu’on a pu déclarer l’année précédente, mais pas de façon automatique. Le retraité doit remplir un formulaire (ISP-3041) qui consiste en gros à déclarer au programme de la Sécurité de la vieillesse : « Je certifie avoir épuisé mon FERR, veuillez ne pas considérer mes revenus de l’année dernière pour estimer mes revenus actuels. »
Une fois ce fait établi, le SRG peut être versé le mois suivant.
Francine a bien fait ça, sauf qu’elle s’est fait jouer un tour un an plus tard.
Quand est arrivé le temps d’évaluer le montant de SRG auquel la retraitée avait droit de juillet 2022 à juin 2023, on est retourné voir ses revenus de l’année précédente, et comme la dame avait retiré de janvier à juin 2021 ce qui lui restait dans son FERR, on a conclu que ses revenus étaient trop élevés, le SRG lui a donc été coupé.
L’erreur, c’est que Francine aurait dû encore une fois déclarer l’épuisement de son FERR à l’aide du même formulaire ISP-3041.
Il n’est pas trop tard pour le faire, mais quel calvaire !
Formulaire expédié par la poste
Ce n’est qu’après un certain temps que la femme âgée a compris pourquoi elle avait soudainement perdu le SRG. Elle peut le récupérer rétroactivement grâce au fameux formulaire.
Seulement, le document n’existe pas en format PDF, il n’est nulle part téléchargeable. La première fois, Francine en a fait la demande par la poste, avec une lettre manuscrite, la démarche a pris plus d’un mois.
Cette fois, elle a tenté par téléphone. Après trois heures à poireauter sur la ligne de Service Canada, elle a abandonné. Autre option : elle peut se présenter au comptoir d’un bureau de Service Canada pour l’obtenir, mais c’est l’interminable attente en file assurée, pas idéale quand on se déplace avec une canne.
La dame s’est donc rabattue sur la poste. Sur l’enveloppe, comme si c’était pour accélérer les choses, elle a écrit en gros « Urgent ». Son manque à gagner mensuel s’élève à 300 $.
Inconnu de plusieurs aînés
Ce n’est pas la première personne âgée qui témoigne des difficultés à mettre la main sur ce damné formulaire de trois pages. Pire : les retraités sont nombreux à ignorer son existence.
Denis Perrin, représentant en épargne collective chez Mica à Trois-Rivières, se tape régulièrement cette démarche pour des clients. Chaque fois, il rencontre des écueils différents.
« Cette année, après 34 minutes d’attente au téléphone, un employé de Service Canada m’a dit qu’ils ne l’envoyaient plus par la poste et que je devais me rendre en personne au bureau de Service Canada pour l’obtenir. Arrivé sur place, j’ai dû attendre 45 minutes, montrer une pièce d’identité, pour finalement me faire dire qu’ils ne remettaient plus ce formulaire aux conseillers ! », relate-t-il.
Selon son expérience, la réponse varie d’un fonctionnaire à l’autre.
Vive le progrès !
soure : journaldemontreal.com