La COVID-19 et la « tempête des virus respiratoires »

Une jeune femme aux cheveux longs et noirs tousse dans son coude.

Le SRAS-CoV-2, l’influenza et le virus respiratoire syncytial (VRS) sont très présents depuis le début de décembre.

PHOTO : ISTOCK / AGROBACTER

Si le SRAS-CoV-2 n’est pas le seul virus qui court, il est certainement l’un de ceux qui continuent de frapper fort. Les nouvelles données sur la COVID-19 et sur les maladies respiratoires de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), publiées mercredi, tendent d’ailleurs à le confirmer.

Tout le monde parle du fait qu’ils sont constamment malades, que leur famille et leurs amis sont malades. Oui, ça peut être un rhume ou le VRS [virus respiratoire syncytial], mais dans bien des cas, c’est probablement la COVID-19, affirme le Dr Raywat Deonandan, épidémiologiste et professeur associé à l’Université d’Ottawa.

Selon l’INSPQ, dans la semaine du 24 décembre, on recensait 983 000 cas d’infections respiratoires, un nombre qui continue d’augmenter depuis la mi-octobre.

Parmi ces infections (dont plusieurs sont des réinfections), il y aurait entre 350 000 et 471 000 cas de COVID-19, ce qui équivaut à environ 50 000 à 67 000 nouvelles infections par jour.

Au moins 3 millions de Québécois ont contracté la COVID-19 cet automne, selon le directeur de la santé publique du Québec, le Dr Luc Boileau.

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Une représentation du coronavirus.

Depuis le début décembre 2023, il y a en moyenne 2400 personnes hospitalisées avec un test positif à la COVID-19. Au plus fort de la première vague Omicron, à la mi-janvier 2022, plus de 3900 Québécois ayant un résultat positif à la COVID-19 étaient hospitalisés.

Une cinquantaine de Québécois sont hospitalisés chaque jour en raison de la COVID-19, précise le Dr Boileau.

C’est élevé, mais surtout, ce qu’on voit, c’est qu’on se maintient dans un niveau élevé depuis décembre. Ce n’est pas aussi catastrophique qu’au début de 2022, mais on doit surveiller ce qui se passe, dit Benoît Barbeau, professeur de virologie au Département des sciences biologiques de l’UQAM.

D’ailleurs, avec le nombre d’infections qui continue d’augmenter, il est fort probable que le nombre d’hospitalisations augmentera aussi dans les semaines à venir.

Ça va continuer d’être difficile, a affirmé le ministre de la Santé, Christian Dubé, lors d’une conférence de presse mercredi sur la situation dans les urgences.

Par ailleurs, 356 Québécois sont morts de la COVID-19 en décembre et 51 depuis le début de 2024. En comparaison, 450 Québécois étaient décédés des suites de la maladie en décembre 2022.

Environ 2300 Québécois sont morts de la COVID-19 en 2023, et 19 475 depuis le début de la pandémie.

C’est encore beaucoup, déplore le Dr Deonandan. L’épidémiologiste tient à rappeler que même si l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a levé l’état d’urgence, la pandémie est bel et bien toujours en cours.

En plus de la forte présence du SRAS-CoV-2, Benoît Barbeau rappelle qu’il y a une panoplie d’autres virus respiratoires qui circulent, notamment le VRS et l’influenza. Précisons que le pic de grippe est encore à venir, car il serait attendu d’ici la fin janvier.

Avant la pandémie, les gens avaient des rhumes, des grippes, mais là, la COVID-19 s’ajoute à cette tempête de virus.

Une citation deBenoît Barbeau, professeur de virologie

Ce n’est donc pas surprenant que de nombreuses urgences aient débordé pendant le temps des Fêtes, atteignant des taux d’occupation de plus de 200 %.

Au cours des 14 derniers jours, il y a eu 1000 visites de plus par jour à l’urgence qu’à la même période l’an dernier, a précisé le ministre Dubé.

Généralement, une personne développe des symptômes entre un et cinq jours après avoir été infectée par le SRAS-CoV-2. Environ 20 % des personnes sont asymptomatiques, 64 % ont des symptômes légers et 16 % ont des symptômes sévères nécessitant une hospitalisation.

Source : Nature (en anglais) (Nouvelle fenêtre)

Le variant JN.1 au cœur du problème

Même si on se dit qu’on a des vaccins, qu’on a appris, c’est un virus qui est jeune dans son entrée dans la population humaine. Il y a encore du terrain à couvrir avant d’avoir un semblant de stabilité, un cycle plus normal, rappelle M. Barbeau, qui ajoute qu’il faudra probablement encore quelques années avant d’atteindre cet équilibre.

Ryan Gregory abonde dans le même sens. Ce professeur de biologie de l’évolution au Département de biologie intégrative de l’Université de Guelph croit que le SRAS-CoV-2 n’a pas dit son dernier mot et que de nouveaux variants continueront de venir perturber le quotidien des gens.

D’ailleurs, juste avant les Fêtes, le Dr Luc Boileau a mentionné qu’un nouveau variant, le JN.1, commençait à prendre de plus en plus de place au Québec. Peu après, ce variant est devenu dominant dans la province et à travers le monde.

Début janvier, le JN.1, qui est hautement transmissible, représentait environ 70 % des cas au Québec.

Selon le professeur Gregory, on doit surveiller de près le JN.1 parce que ce variant est très différent de ce qui a circulé jusqu’à présent.

Plus un nouveau variant a de mutations, plus il y a de risques de changer le cours de la pandémie, dit M. Gregory. Lorsque le variant Omicron est apparu en novembre 2022, il détenait 30 nouvelles mutations de plus dans la protéine spicule que la souche précédente du SRAS-CoV-2. Les mutations ont facilité sa transmission et ont provoqué une immense vague d’infections et d’hospitalisations.

Après Omicron, les experts avaient estimé à 15 à 20 % la probabilité de voir un autre nouveau variant avec de nombreuses mutations dans les 24 mois suivants. Deux variants ayant cette caractéristique sont déjà apparus.

Une panoplie de sous-variants d’Omicron ont ensuite fait leur apparition. Parmi eux, le BA.2.86, qui lui aussi avait 30 mutations de plus que son prédécesseur.

Puis, cet automne, le BA.2.86 a muté à deux reprises pour devenir le JN.1. Ryan Gregory croit qu’à cause de sa dominance à l’échelle mondiale, tous les nouveaux variants qui surgiront au cours des prochains mois seront de cette lignée.

Pour M. Gregory, l’apparition du JN.1 avec autant de mutations est un signe qu’il faut davantage surveiller les infections chroniques. Ces nouveaux variants avec beaucoup de mutations ont probablement évolué alors qu’ils étaient dans le corps d’un individu immunodéprimé qui a ensuite infecté quelqu’un d’autre. C’est probablement aussi comme ça qu’on a eu l’apparition d’Omicron.

Pour M. Gregory, il faut réduire les infections chez les personnes immunodéprimées pour réduire les risques que de nouveaux variants avec beaucoup de mutations émergent.

Si on sait que le JN.1 est plus transmissible que ses ancêtres, M. Gregory explique qu’il est difficile de dire si les nouveaux variants sont moins virulents ou si c’est l’immunité acquise par la vaccination et les infections qui diminue le nombre total d’hospitalisations.

Mais ce n’est plus juste une question d’hospitalisations. On commence à voir les impacts des réinfections et des symptômes chroniques, des dommages aux organes [causés par une infection].

Une citation deRyan Gregory, professeur de biologie de l’évolution

Il craint qu’à tort, beaucoup de gens comptent trop sur l’immunité acquise après une infection pour échapper à une réinfection de COVID-19. Plus il y a d’infections, plus il y a de risques qu’un nouveau variant mute de manière à échapper à cette immunité. Plus il y a de virus qui circule, plus c’est bon pour le virus.

La vaccination, toujours l’un des meilleurs outils

Au Québec, seulement 17 % de la population a reçu le nouveau vaccin. Un peu moins de la moitié des plus de 60 ans – qui comptent parmi les personnes les plus à risque – ont été vaccinées. Chez les enfants, c’est moins de 5 %; chez les adultes, un peu moins de 8 %.

Le fait que le taux de vaccination soit si bas inquiète le Dr Deonandan et M. Barbeau.

Selon le Dr Deonandan, toutes les personnes qui sont admissibles à un nouveau vaccin (six mois après une infection ou une dose de vaccin) devraient le recevoir, puisque la saison des virus respiratoires n’est pas terminée. Au Québec, la vaccination est gratuite pour tous.

Le nouveau vaccin [qui cible le XBB] est étonnamment efficace. Les récentes données suggèrent qu’il y a 60 % de chances de ne pas être hospitalisé si infecté, dit le Dr Deonandan, en ajoutant que, contrairement à ce que pensent beaucoup de gens, les vaccins aident à réduire la transmission. Les vaccins réduisent la probabilité d’infection. Ce n’est pas parfait, mais vous avez de meilleures chances de ne pas être infecté si vous avez été vacciné avec la nouvelle formulation.

Le Dr Deonandan pense qu’il y a plusieurs facteurs qui expliquent pourquoi les Canadiens n’ont pas reçu une nouvelle dose du vaccin. Les gens ne savent pas ce qui existe [en termes de vaccins]. Ils ne savent pas que le vaccin existe et qu’il a été mis à jour. Ils ne savent pas que la pandémie existe toujours.

Il critique d’ailleurs les médecins et les experts qui disent que les personnes qui ne sont pas vulnérables n’ont pas besoin de se faire vacciner parce qu’ils ont un faible risque de complications.

Il y a une incompréhension quant à la différence entre le risque individuel et le risque collectif. Oui, un individu [en santé] n’a peut-être pas de chances élevées de mourir de la COVID-19, mais moins il y a de maladie qui circule, moins les personnes vulnérables sont infectées. Et ça, c’est un fardeau de moins sur le système de santé. Il faut arrêter de penser seulement à l’effet individuel, mais de penser au niveau populationnel.

Source : radio-canada.ca

AQDR