COVID-19 : la bataille de l’air pas encore gagnée

Aérer pour disperser les particules contaminées par le coronavirus : plus de deux ans après le début de la bataille contre la COVID-19, le recours à cette arme reste encore marginal malgré son importance au-delà de cette seule pandémie.

Pour espérer endiguer la pandémie et réduire la mortalité, il faudrait diminuer le niveau de contamination, ce qu’aujourd’hui le vaccin seul ne parvient pas à faire, constate auprès de l’AFP l’épidémiologiste Antoine Flahault.

On a besoin d’une nouvelle phase, celle de l’amélioration de la qualité de l’air intérieur, plaide le directeur de l’Institut de santé globale à la Faculté de médecine de l’Université de Genève.

Le SRAS-CoV-2 se propage en effet principalement par les aérosols, ces nuages de particules qui s’échappent lorsque les humains respirent, et plus encore lorsqu’ils parlent, crient, chantent.

Dans une pièce fermée et mal aérée, ces aérosols peuvent rester longtemps dans l’air, s’accumuler, se déplacer dans tout l’espace… et augmenter grandement le risque d’infection.

S’il est généralement admis que la transmission de la COVID à moins de deux mètres peut se faire à la fois par gouttelettes et par aérosols, l’importance de la transmission aérienne à longue distance en intérieur ne fait pas consensus.

Illustration de particules de virus qui sortent d'une bouche.

Le SRAS-CoV-2, le virus qui cause la COVID-19, se propage d’une personne infectée à une autre par des gouttelettes respiratoires et des aérosols créés lorsqu’une personne infectée tousse, éternue, chante, crie ou parle.

PHOTO : ISTOCK

Aérer suffisamment

La transmission à plus de deux mètres est possible dans différents milieux intérieurs, estiment des chercheurs de l’Université de Bristol et l’Agence britannique de sécurité sanitaire dans la dernière édition du British Medical Journal. Leur travail, fondé sur 18 études d’observation dans plusieurs pays, comporte cependant quelques limites méthodologiques.

Une certitude demeure : si on aère suffisamment, les aérosols se dissipent comme de la fumée.

À l’échelle individuelle, cela peut consister à ouvrir une fenêtre assez longtemps. Sur le plan collectif, toutefois, les efforts pour assainir l’air intérieur restent insuffisants, selon des spécialistes.

L’aération fait partie des gestes barrières recommandés par les autorités. Matin, midi et soir, durant toute la journée, l’aération de vos pièces de vie est cruciale […] Toutes les heures, aérons au moins 10 minutes : ce message a encore été relayé cette semaine sur Twitter par des Agences régionales de santé en France.

Toutefois, dans l’ensemble, il ne s’agit pas encore d’une problématique dont se sont emparés les gouvernements, note le Pr Flahault, défenseur de plans de ventilation du bâti moderne et des transports publics avec des investissements massifs, en commençant par les écoles, les EHPAD et les hôpitaux, les bureaux, les bars, les restaurants, les transports.

Comme on savait filtrer l’eau de boisson et la traiter avec du permanganate dans les maisons bourgeoises du début du XXe siècle, on peut imaginer que certains foyers s’équiperont de purificateurs d’air et penseront à ouvrir leurs fenêtres. Mais ce n’est pas la solution que l’on attend sur le plan des décisions collectives, lance-t-il.

Seuls quelques pays, en Asie, en Amérique ou en Europe, ont jusqu’à maintenant annoncé des plans.

Aux États-Unis, l’administration Biden a invité mi-mars les propriétaires et gérants d’immeubles, les établissements scolaires et d’autres organismes à des stratégies pour améliorer la qualité de l’air intérieur dans leurs immeubles et réduire la propagation de la COVID-19.

Ce plan, doté de financements par l’intermédiaire de la relance post-pandémie, concerne aussi les édifices publics. Y sont prévus l’examen des systèmes de chauffage, de ventilation, de climatisation, et l’achat d’unités de filtration d’air portables, de filtres à air (de type HEPA) et de ventilateurs.

En Europe, l’UE n’a adopté aucune norme contraignante d’amélioration de la qualité de l’air intérieur.

Seule la Belgique a annoncé au printemps un plan pour les lieux ouverts au public (cafés, restaurants, cinémas, salles de sport, etc.). Mesure du taux de CO2, analyse de risques… Les mesures, volontaires jusqu’à fin de 2024, seront obligatoires ensuite.

Bien d’autres pays, dont la France, sont à la traîne, jugent par exemple des collectifs de parents d’élèves.

Or, au-delà de la COVID, la bataille de l’air pourrait marquer une nouvelle étape pour la santé publique, selon des experts. Des pathogènes pourraient ainsi être exclus, mais d’autres transmissions, y compris de polluants, seraient aussi réduites.

De telles mesures atténueraient considérablement l’impact d’autres maladies, a observé récemment Stephen Griffin, professeur associé en médecine à l’Université de Leeds, auprès du Science Media Center. Une meilleure ventilation améliore la cognition en réduisant les niveaux de dioxyde de carbone et, avec la filtration, elle peut réduire l’impact des pollens et des allergies.

Source : radio-canada.ca

AQDR