CESSONS LA CULTURE DES AÎNÉS JETABLES

PIERRE LYNCHPRÉSIDENT, ASSOCIATION QUÉBÉCOISE DE DÉFENSE DES DROITS DES PERSONNES RETRAITÉES ET PRÉRETRAITÉES

Dans une résidence pour personnes âgées (RPA) de Montréal, 124 résidants ont reçu un avis de six semaines pour se reloger. Selon le propriétaire, la RPA n’est pas rentable et une conversion en condos serait beaucoup plus profitable. Malgré les efforts des locataires et de l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées (AQDR), rien ne peut l’empêcher selon la loi. Finalement, les locataires obtiendront une meilleure compensation, mais pas le droit de conserver leur logis.

Si vous avez l’impression d’avoir lu cette histoire dans les médias récemment, détrompez-vous. Elle date de 2011, lors de la fermeture de la résidence Monaco. Presque 11 ans se sont écoulés depuis et tout ce qui a changé, c’est l’accélération du phénomène d’expulsion de nos aînés. Les résidants de Mont-Carmel sont les plus récents exemples médiatisés de cette situation qui perdure depuis beaucoup trop longtemps.

Le récent éditorial paru dans La Presse+ et signé par Philippe Mercure représentait l’exposé le plus clair illustrant deux problématiques facilement identifiables, mais qui ne sont pas réglées par nos gouvernements successifs. Pourtant, des solutions existent.

D’une part, les RPA ne devraient pas être considérées comme de simples investissements soumis aux mêmes règles mercantiles que des biens communs. Lorsqu’un investisseur décide de faire du profit en exploitant une RPA, il doit prendre en compte qu’il fournit un bien collectif à une des clientèles les plus vulnérables de notre société.

On ne devrait pas pouvoir se retirer aussi facilement d’une prestation de service essentielle comme le logement des aînés.

Le gouvernement doit définir des normes de fermeture pour que les exploitants désirant changer la vocation de leur immeuble soient obligés d’obtenir l’autorisation du Ministère, mais surtout pour que les choses se fassent décemment.

Les conditions de vie dans les RPA ne représentent ni plus ni moins qu’un échec retentissant à assurer une qualité de vie digne à nos aînés de la part de notre système public. Augmenter le nombre d’inspecteurs et d’inspections semble être devenu une mission impossible alors que nous sommes une société moderne et aisée, parmi les plus développées de la planète. Ce n’est pas sérieux et le temps des excuses est révolu. Une inspection impromptue par année, par résidence, doit devenir le minimum.

On ne peut monnayer la dignité de nos aînés. De la résidence de Monaco à celle de Mont-Carmel, offrir des compensations financières représente une consolation, mais cette dernière est bien mince lorsqu’on constate l’accélération du phénomène d’expulsion des aînés et l’inaction de nos gouvernements.

Surce publication : Débats, Opinion, La Presse+, 10 février 2022

AQDR