Accessibilité universelle et habitation : L’importance de l’aménagement comme prérequis pour vivre longtemps à domicile

par Sophie Lanctôt, directrice générale à Société Logique

Dans la foulée du colloque de l’AQDR nationale «Prévenir les chutes chez les aînés à domicile, Mon autonomie j’y tiens!», nous rappelons qu’habiter un lieu adéquat, qui nous permettra de vivre longtemps à domicile, en toute sécurité, est encore un défi en 2015.

Nous voulons tous pouvoir vivre longtemps à domicile, en toute sécurité. Visiter nos proches et recevoir leur visite. Faire facilement et progressivement les petits changements nécessaires à notre condition. Et faire face à une perte de capacités ou à une situation temporaire sans tracas ni modification importante au domicile.

Pour cela, il vaut mieux habiter un lieu qui offre les caractéristiques et la flexibilité nécessaires. C’est ce que nous appelons, à Société Logique, une habitation accessible universellement.

Adaptation vs accessibilité universelle

L’accessibilité universelle prend en compte les besoins de ceux qui voient moins bien, entendent moins bien, se déplacent ou comprennent différemment afin d’aménager des lieux fonctionnels pour tous, quelle que soit leur condition. Comprenons-nous bien: il ne s’agit pas d’habitations pour personnes handicapées, mais bien d’habitations pour tous. Pour nous, les besoins des personnes ayant différentes incapacités sont des révélateurs des difficultés vécues, à un degré moindre, par l’ensemble des citoyens. Répondre à ces besoins de façon inclusive devient alors bénéfique pour tous. Par exemple: si une entrée de plain-pied est essentielle pour une personne qui se déplace en fauteuil roulant, elle sera facilitante pour un aîné avec un chariot d’épicerie ou pour un parent avec poussette.

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Adaptation
Accessibilité universelle
Accessibilité universelle

Entrée de plain-pied, seuil biseauté, poignée à levier, portes moins lourdes, éclairage suffisant, bon contraste de couleurs, tapis bien fixé, espaces suffisants dans l’entrée, la salle de bain, la cuisine, toilette près d’un mur pour faciliter l’installation de barres d’appui, sol antidérapant, alarme incendie audible et visuelle sont tous des éléments d’accessibilité universelle.

Gros bon sens me direz-vous, surtout lorsqu’il s’agit d’habitations destinées aux aînés. Malheureusement, cette façon d’aménager demeure encore trop marginale.

Accessibilité
Accessibilité
Accessibilité universelle
Accessibilité universelle

Saviez-vous que si les espaces communs des plus gros bâtiments d’habitation doivent rencontrer quelques exigences en termes d’accessibilité, ce n’est pas le cas pour l’intérieur des logements? Ni pour un grand nombre de petits bâtiments résidentiels? L’actuelle règlementation de construction est nettement insuffisante lorsqu’il s’agit d’accessibilité de l’habitation : la majorité des logements qui se construisent aujourd’hui sont encore totalement inaccessibles… et que dire des logements existants!

Heureusement qu’en 2014, la Société d’habitation du Québec (SHQ) a adopté des exigences s’apparentant à l’accessibilité universelle pour les nouveaux logements pour aînés, construits dans le cadre de son programme Accès Logis. Un pas dans la bonne direction, qui contribuera au développement d’un parc résidentiel plus accessible.

Performance d’accessibilité de divers types d’habitation
Habitation en généralTrès peu accessible
Logement accessible universellementRare
Récent logement social pour aînésAssez performant
Logement HLMPeu accessible
Résidence pour aînésPerformance très variable

Le problème demeure toutefois entier pour tous ceux qui, et ils sont la grande majorité, n’ont pas la chance de vivre dans une habitation universellement accessible. Que faire lorsque le domicile ne convient plus? Lorsque l’escalier devient difficile à monter? Lorsqu’enjamber le rebord de la baignoire devient hasardeux? Faire des travaux d’adaptation est alors la seule possibilité pour conserver son autonomie, chez soi.

Auparavant, la SHQ subventionnait les petits travaux (ajout de barres d’appui, d’éclairage, de tablettes à la bonne hauteur) pour les aînés à faibles revenus grâce au programme LAAA (Logements adaptés pour aînés autonomes). Sans enveloppe budgétaire depuis quelques années, ce programme a récemment disparu de l’offre de services de la SHQ.

Le Programme d’adaptation de domicile (PAD) demeure maintenant la seule possibilité d’aide financière gouvernementale en matière d’adaptation de domicile. Ouvert à tous, quel que soit le revenu, le PAD implique toutefois un processus complexe (rapport d’ergothérapie, intervention d’un mandataire municipal) et des délais importants (minimum 2 ans). Si le PAD est bien utile pour les gros travaux d’adaptation de domicile, qui génèrent des coûts importants, comme le réaménagement complet d’une salle de toilette ou la construction d’une rampe d’accès, il est cependant inapproprié pour les plus petits travaux.

Enfin, pour ceux qui habitent en HLM, l’adaptation de domicile est financée grâce au budget d’entretien/rénovation de l’immeuble, ce type d’habitation n’étant pas admissible au PAD. Dans un contexte où les HLM connaissent un déficit d’entretien chronique faute de budget, on peut s’interroger sur les réelles possibilités d’y faire adapter son domicile…

Force est de constater que dans sa politique Vieillir et vivre ensemble, chez soi, dans sa communauté, au Québec, le gouvernement a sous-estimé l’importance de l’aménagement adéquat de l’habitation. Il existe pourtant des solutions : construire les nouveaux logements de façon universellement accessible, rénover les logements existants en améliorant leur performance d’accessibilité, améliorer l’accessibilité des HLM, et soutenir adéquatement l’adaptation de domicile, par un processus simplifié et des délais réalistes, notamment pour les petits travaux destinés à maintenir l’autonomie des occupants.

L’aménagement adéquat de l’habitation est un prérequis pour être en mesure de vivre longtemps à domicile, en toute sécurité. Il ne faut pas l’oublier!

AQDR