50 idées pour améliorer le Québec

À quelques mois des élections provinciales, des journalistes de toutes les sections du Journal de Québec et du Journal de Montréal ont sondé des experts, des contacts et des gens qui travaillent sur le terrain pour connaître leurs idées pour améliorer le Québec.

Comment feraient-ils bouger les choses ? Quelles seraient leurs solutions pour faire du Québec une province plus forte ? Comment améliorer le sort de nos étudiants dans nos écoles ? Comment aider nos artistes à faire rayonner leur travail ? Comment réduire le nombre de féminicides ?

Cette équipe-choc de journalistes dont le travail vous est présenté aujourd’hui a multiplié les rencontres pour rassembler 50 idées qui permettraient au Québec de devenir meilleur.

De l’éducation à la santé, de la justice aux sports, de la culture à la sécurité publique, tous les secteurs ont été passés à la loupe.

Campagne électorale

Au cours des prochains mois, les partis politiques multiplieront les annonces et promesses au cours de la campagne électorale.

Oseront-ils promettre d’utiliser le Fonds des générations, comme le suggèrent les économistes Fortin et Godbout dans notre onglet numéro 21 ?

Qui se rangera du côté de CAA-Québec pour abaisser le taux d’alcoolémie à 0,05, comme on peut le lire à l’item 32 ?

Un parti aura-t-il le courage d’écouter les experts et d’établir un moratoire sur la construction de nouvelles routes, comme ils le proposent à notre item numéro 8 ?

L’exercice accompli par notre équipe de journalistes force la réflexion et il sera intéressant de voir quelles idées parmi les 50 suivantes finiront par voir le jour.

Bonne lecture !


Jean LaRoche

Responsable du projet

FAMILLES  

1- PRESTATION D’URGENCE POUR LES PARENTS DE POUPONS  

PHOTO STEVENS LEBLANC

Mathieu Lacombe, ministre de la Famille

Faute de place en garderies pour leur enfant, de nombreux parents, souvent les mères, sont forcés de repousser leur retour au travail. Privés de revenus, certains en arrachent.

C’est ce qui a incité le mouvement citoyen Ma place au travail à réclamer une prestation d’urgence pour les parents qui ne trouvent pas de place en service de garde pour leur poupon.

« On reçoit par milliers des témoignages de parents, de familles qui n’arrivent plus à payer leur hypothèque, qui n’arrivent plus à mettre du pain sur la table parce qu’ils n’ont pas de place en garderie », souligne Marilyne Dion, une maman et bénévole qui agit comme co-porte-parole du groupe.

Les partis d’opposition ont emboîté le pas. Québec solidaire a demandé l’instauration d’une aide financière d’urgence de 870 $ par mois accordée aux parents après la fin de leur congé parental, le temps qu’ils trouvent une place en garderie ou que leur bambin atteigne l’âge de 18 mois. Mais, pour le moment, le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, rejette cette idée.

– Geneviève Lajoie 

2 – DES GARDERIES INSPIRÉES DE LA FRANCE  

PHOTO D’ARCHIVES, AGENCE QMI

Trouver une garderie pour son enfant s’apparente au parcours du combattant pour les nouveaux parents. Et malgré les promesses du gouvernement, créer de nouvelles places en service de garde prend du temps.

Après une mission d’étude dans l’Hexagone en 2019, le Conseil québécois des services éducatifs à la petite enfance (CQSEPE) s’est inspiré de nos cousins français pour proposer une nouvelle formule de garderie, à mi-chemin entre le milieu familial et le CPE.

Ce modèle hybride permet à des responsables de services de garde en milieu familial (RSG) d’accueillir des bambins hors de leur résidence, que ce soit dans une salle communautaire ou un local fourni par la ville, par une entreprise ou par un établissement de santé. Les RSG pourront même travailler en équipe de deux.

« Ça offre douze places rapidement, des services de garde de qualité, évalués et coordonnés par les bureaux coordonnateurs, moi je trouve que c’est une avancée », se réjouit Francine Lessard, directrice générale du CQSEPE

Le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, vient de donner le feu vert à un projet pilote de trois ans.

– Geneviève Lajoie 

3 – UNE VÉRITABLE STRATÉGIE DE LUTTE À L’ANALPHABÉTISME  

Au Québec, plus d’un million de personnes de 16 à 65 ans peuvent être considérées comme analphabètes, puisqu’elles ont de la difficulté à écrire une carte postale ou à lire la posologie d’un médicament.

Pour y remédier, le gouvernement devrait se doter d’une véritable stratégie de lutte à l’analphabétisme, surtout dans le contexte de pénurie de main-d’œuvre, plaide l’Institut de coopération pour l’éducation des adultes.

L’analphabétisme entraîne une situation « d’exclusion systémique » pour les individus et nuit au développement, à la productivité et à la compétitivité de la province, souligne son directeur général, Daniel Baril.

Au-delà du financement des groupes d’éducation populaire, des initiatives plus globales devraient être mises sur pied, notamment pour inciter les entreprises à offrir de la formation de base aux employés qui en ont besoin, affirme-t-il.

– Daphnée Dion-Viens 

4 – S’ENTRAÎNER À ÉCRIRE PLUS SOUVENT EN CLASSE  

Des élèves de deuxième année­­­ pendant un atelier d’écriture en classe.

PHOTO D’ARCHIVES, DAPHNÉE DION-VIENS

Des élèves de deuxième année­­­ pendant un atelier d’écriture en classe.

Pour améliorer la qualité du français sur les bancs d’école, plusieurs experts s’entendent sur l’importance de s’entraîner à écrire régulièrement en classe.

« Il y a des automatismes à développer. C’est comme s’entraîner au gym trois fois par semaine », affirme Pascale Lefrançois, doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal.

Intégrer des ateliers d’écriture régulièrement en classe est une bonne façon d’y arriver. Plusieurs enseignants qui ont tenté l’expérience, par des ateliers d’écriture, ont été agréablement surpris des résultats.

Reste toutefois à convaincre davantage de profs d’y adhérer, puisqu’il s’agit d’une pratique que Québec ne peut imposer en raison de l’autonomie professionnelle garantie aux enseignants.

– Daphnée Dion-Viens

ÉDUCATION ET LANGUE FRANÇAISE  

5 – UNE FORMATION ACCÉLÉRÉE POUR CONTRER LA PÉNURIE DE PROFS  

La pénurie d’enseignants cause bien des maux de tête dans le réseau scolaire. Au cours des derniers mois, des voix se sont élevées pour réclamer une formation accélérée pour devenir prof.

Les enseignants non légalement qualifiés embauchés dans les écoles doivent faire une maîtrise qualifiante de deux ans pour obtenir leur brevet d’enseignement, une formation qui peut tout de même s’étirer sur plusieurs années si on la suit à temps partiel.

Simon Landry, un enseignant du secondaire de la région de Montréal, a proposé récemment de créer une formation intensive de cinq à six semaines durant l’été pour ceux qui ont déjà obtenu un diplôme universitaire, ce qui mènerait à une certification temporaire valide pendant quelques années. Les syndicats d’enseignants craignent toutefois que ce type de formation accélérée ne dévalorise la profession. Le débat est lancé.

– Daphnée Dion-Viens 

6 – CONCOURS « CHAPEAU LES GARS ! » AU CÉGEP  

Dans le réseau collé-gial, le faible taux de diplomation des garçons suscite de plus en plus l’inquiétude.

La Fédération des cégeps tire la sonnette d’alarme depuis un bon moment déjà. Dans les rangs des cégépiens, 69 % des filles obtiennent leur diplôme deux ans après la durée prévue de leur programme, contre 56 % chez les garçons.

Selon le plan d’action gouvernemental pour la réussite en enseignement supérieur, une des pistes de solution passe par « des modèles signifiants » qui devraient « être proposés aux jeunes hommes à cause de l’écart important entre les genres sur le plan de l’accès à l’enseignement supérieur ».

Après le concours « Chapeau, les filles ! », créé il y a 25 ans pour valoriser les femmes qui choisissent un métier traditionnellement masculin, « il est grand temps » que le ministère de l’Éducation crée une initiative semblable pour les garçons, affirme Égide Royer, psychologue et expert en matière de persévérance scolaire.

L’idée a d’ailleurs inspiré le collectif Les chums, qui attribuera cet automne une bourse à un cégépien qui aura été accepté dans un programme menant à un métier traditionnellement féminin.

– Daphnée Dion-Viens 

7 – S’ATTAQUER À L’ÉCOLE À TROIS VITESSES  

Le constat semble faire consensus, les solutions pour y arriver divisent

À l’école secondaire Sainte-Marie de Princeville, tous les élèves ont accès à des cours qui rejoignent leur intérêt, ce qui en fait une école plus égalitaire. Un nouveau modèle d’horaire a été mis en place il y a quelques années qui permet aux élèves d’avoir accès à un cours d’option chaque jour, ce qui remplace les programmes particuliers sélectifs qui existent dans plusieurs autres écoles.

PHOTO STEVENS LEBLANC

À l’école secondaire Sainte-Marie de Princeville, tous les élèves ont accès à des cours qui rejoignent leur intérêt, ce qui en fait une école plus égalitaire. Un nouveau modèle d’horaire a été mis en place il y a quelques années qui permet aux élèves d’avoir accès à un cours d’option chaque jour, ce qui remplace les programmes particuliers sélectifs qui existent dans plusieurs autres écoles.

Dans le réseau scolaire, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer les effets pervers de l’école à trois vitesses. Le temps est venu d’y remédier, selon plusieurs.  

La situation est décriée depuis déjà longtemps. Les écoles privées, mais aussi les programmes particuliers sélectifs qui se sont multipliés dans le réseau public, attirent les meilleurs élèves. Ce système à trois vitesses entraîne un «écrémage», si bien qu’une concentration de jeunes plus faibles se retrouvent dans les classes ordinaires.  

Plusieurs profs du secondaire font le même constat. «Le régulier, c’est pratiquement rendu des classes d’adaptation scolaire», lançait récemment l’un d’entre eux au Journal.  

Les parcours scolaires ne sont plus comparables, et donc plus équitables, affirme Claude Lessard, professeur émérite en sociologie de l’éducation à l’Université de Montréal.  

«À vue de nez, n’importe qui est capable de constater ça. Les parents le savent et agissent en conséquence, c’est une évidence. Le tricot de démocratisation qu’on a mis en place il y a 50 ans s’est effiloché», affirme-t-il.  

Or au cours des dernières années, les initiatives pour dénoncer une telle situation se sont multipliées. Le mouvement L’école ensemble et le collectif Debout pour l’école ont joint leur voix aux syndicats d’enseignants qui dénoncent les effets pervers de l’école à trois vitesses depuis bien longtemps.  

Ils réclament tous un système d’éducation plus équitable, qui donne une chance égale à tous plutôt que de contribuer à perpétuer les inégalités engendrées par le milieu socioéconomique des élèves.  

La recherche en éducation a démontré que la mixité sociale a un effet global positif sur la réussite des jeunes, en particulier parmi ceux qui sont les plus défavorisés.  

«Indifférence politique»  

Malgré ce consensus scientifique, M. Lessard déplore une «certaine complaisance ou indifférence politique» à ce chapitre. Le gouvernement Legault a annoncé récemment qu’il assumera une partie de la facture chargée aux parents pour les frais d’inscriptions dans les programmes particuliers jusqu’à concurrence de 200$, une mesure qui ne s’attaque toutefois pas à la sélection sur la base des résultats scolaires. 

Plusieurs autres solutions ont été évoquées au fil des ans, certaines plus timides, d’autres plus drastiques, mais aucune ne fait bien sûr l’unanimité. 

Des syndicats d’enseignants et le collectif Debout pour l’école! ont réclamé la fin des subventions aux écoles privées, un terrain miné politiquement sur lequel presqu’aucun parti, excepté Québec solidaire, n’a osé s’aventurer jusqu’à maintenant.  

Or en 2019, lors de la Conférence de consensus sur la mixité sociale et scolaire, des chercheurs et acteurs du réseau de l’éducation se sont entendus pour la première fois sur une série de recommandations pour rendre le réseau scolaire plus équitable.  

Les programmes particuliers dans les écoles publiques devraient être gratuits et accessibles à tous.   

Le financement des écoles privées serait octroyé à condition que ces établissements accueillent davantage d’élèves en difficulté ou provenant de familles moins bien nanties. 

Aucun critère précis ou moyen pour y parvenir n’avait toutefois été déterminé.  

Les écoles privées réclament elles-mêmes l’accès au financement public supplémentaire pour les aux élèves en difficulté, afin d’en accueillir davantage.  

Claude Lessard, qui a présidé cette conférence, pense aujourd’hui que ces solutions ne sont plus suffisantes pour corriger le tir.   

Il faut aller jusqu’à envisager un financement à 100% des écoles privées afin d’en faire des écoles de quartier non sélectives et autonomes, affirme-t-il, comme le propose le mouvement École ensemble dont il préside le conseil d’administration.  

S’agit-il d’une solution réaliste? «Le sociologue en moi va vous dire non. Mais le militant va vous dire que si on se limite au réalisme, on ne fera jamais rien.»  

– Daphnée Dion-Viens 

TRANSPORT  

8 – UN MORATOIRE SUR LA CONSTRUCTION DE NOUVELLES ROUTES  

Les experts sont nombreux à plaider pour un moratoire sur l’accroissement de la capacité routière. C’est d’ailleurs une recommandation du comité d’experts du gouvernement sur les changements climatiques. 

Pour Sarah Doyon, le ratio de financement transport routier contre transport collectif doit passer de 70 %-30 % à 50 %-50 %. « Le 50 % dédié au transport routier devrait être consacré à l’entretien des routes. » 

Marie-Hélène Vandersmissen ajoute qu’il faut aussi « une révision de la fiscalité municipale qui encourage l’étalement urbain ». 

Angèle Pineault-Lemieux précise que l’électrification des transports est un « jalon important », mais qu’il n’est pas une solution à l’étalement urbain, aux coûts des infrastructures, à la congestion et aux risques pour la santé liés à la sécurité routière. Plutôt que d’investir dans l’asphalte, il faut développer la mobilité active comme la marche et le vélo grâce à des enveloppes dédiées, dit-elle. 

– Stéphanie Martin 

9 – PRIORITÉ AU TRANSPORT COLLECTIF  

Le projet de tramway, à Québec.

ILLUSTRATION COURTOISIE

Le projet de tramway, à Québec.

Plusieurs experts soulignent que pour orienter le Québec vers le développement durable, il faut opérer un virage majeur vers le transport collectif.  

« D’une façon générale, les priorités du Québec devraient se trouver du côté du transport collectif urbain. Rien n’est aussi important, tant au bénéfice des citoyens que pour l’environnement », martèle Jean Mercier, professeur associé à l’Université Laval. 

Cette orientation est d’ailleurs écrite noir sur blanc dans la Politique de mobilité durable du gouvernement, insistent Sarah Doyon, directrice générale de Trajectoire Québec, et Angèle Pineault-Lemieux, d’Accès transports viables. 

« Il est essentiel de maintenir l’objectif de 5 % d’augmentation de l’offre de service en transport collectif, tout en trouvant de nouvelles sources de financement », plaide Mme Doyon. Des initiatives comme une contribution des employeurs, qui pourraient fournir des laissez-passer à leurs employés, peuvent aussi apporter du financement pour les sociétés de transport, suggère Fanny Tremblay-Racicot, professeure adjointe à l’ÉNAP.

– Stéphanie Martin 

10 – AMÉLIORER LE TRANSPORT COLLECTIF INTERRÉGIONAL  

Le transport interrégional a souffert de la pandémie et il est temps de penser à le revamper, soulignent les chercheurs Laurent Boudreau et Pascale Marcotte. 

« L’augmentation du transport collectif interrégional pourrait servir ainsi aux populations locales, mais aussi aux touristes qui sont également plus nombreux à chercher des espaces hors des villes. » 

Surtout dans le contexte où, depuis deux ans, de nombreux travailleurs se sont installés hors des grands centres urbains. « Pour revenir en ville, cette journée par semaine, tous utiliseront leur voiture, car l’offre de transport interrégional est nettement insuffisante », constatent-ils. 

Fanny Tremblay-Racicot croit qu’il faut privilégier l’autobus comme mode de transport interurbain, mais estime qu’on doit aussi « s’assurer du développement adéquat du train à grande vitesse de VIA Rail » et que les gouvernements doivent financer son implantation si nécessaire.

– Stéphanie Martin 

11 – UTILISER LE FLEUVE  

Un des deux bateaux de la traverse Québec-Lévis.

PHOTO D’ARCHIVES

Un des deux bateaux de la traverse Québec-Lévis.

Le Québec est traversé par un cours d’eau essentiel, le fleuve Saint-Laurent, qu’on sous-utilise sur le plan des transports, estime la professeure adjointe à l’ÉNAP Fanny Tremblay-Racicot. 

« Le Québec s’est bâti avec le cabotage et les goélettes. C’est comme ça qu’on a développé le territoire, avec le fleuve. Il faut regarder d’autres modes pour se déplacer au Québec. À Vancouver, ils ont des sea bus. On parle beaucoup de navettes fluviales. C’est super agréable, se déplacer sur l’eau. Il faut être innovants et créatifs dans la recherche de solutions. » 

La chercheuse souligne qu’il y a des quais tout le long du fleuve, bien qu’ils aient été délaissés par le fédéral. « Il y a un très fort potentiel de développement économique et touristique aussi. » 

Pour l’instant, au contraire, on observe une diminution du service de traversiers sur le fleuve, dit-elle. Il faut selon elle « réformer la Société des traversiers du Québec afin de bonifier et diversifier l’offre de service ». 

– Stéphanie Martin 

12 – TRANSFORMER LE TRANSPORT POUR LE TOURISME  

« Alors que nous sommes dans une ère où il faut changer radicalement les façons de se déplacer si on souhaite tendre vers une décarbonisation et une dépollution, le tourisme doit aussi se transformer radicalement », estiment les professeurs Laurent Boudreau et Pascale Marcotte, chercheurs spécialisés en tourisme à l’Université Laval.  

Et si les touristes internationaux n’étaient pas la manne financière que l’on croit ? Les chercheurs soulignent qu’aucune étude scientifique ne démontre que leurs dépenses à destination sont supérieures à celles des touristes nationaux.  

Ils soulignent que le tourisme apporte des bénéfices, mais aussi des coûts. Ils proposent donc que la taxe touristique que les visiteurs paient soit utilisée non seulement dans la sphère touristique, mais aussi dans la communauté, notamment dans le transport, surtout interrégional, pour leur « permettre de se déplacer plus durablement ». 

– Stéphanie Martin

SANTÉ  

13 – DÉLÉGUER LES PATIENTS EN PREMIÈRE LIGNE  

Une petite révolution qui s’opère pourrait changer la perspective des soins médicaux en première ligne : les patients seront de plus en plus traités par un autre professionnel qu’un médecin, ce qui devrait améliorer l’accès. 

« On ne peut pas trouver assez de médecins rapidement pour que tout le monde en ait un. Ça, c’est assez clair, dit Régis Blais, professeur à l’Université de Montréal spécialisé en gestion du réseau de la santé. Et on réalise qu’on peut combler le besoin avec d’autres professionnels. Les infirmières peuvent faire plus que ce qu’elles font maintenant. » 

Avec l’annonce récente de la fin de l’objectif du médecin de famille à tous les Québécois, les cliniques médicales devraient offrir davantage de consultations avec des infirmières, ergothérapeutes, travailleurs sociaux, etc.

Selon M. Blais, des suivis pour certaines pathologies pourraient aussi être faits par d’autres professionnels, comme le diabète. Le travail administratif doit aussi être allégé. 

« Si on réussissait à réduire de 10 % les tâches des médecins, c’est comme si on en avait 1000 de plus. […] Mais il faut de la volonté, de l’ouverture. »

– Héloïse Archambault 

14 – BONIFIER L’ACCÈS AUX DONNÉES MÉDICALES  

La collecte de données médicales informatisées est primordiale pour mieux soigner les gens et gérer le réseau, s’entendent les spécialistes. 

« Le Québec est en retard, dit Régis Blais, professeur à l’Université de Montréal. Ça permet de suivre l’évolution. C’est comme être sur la route avec un compteur de vitesse. C’est un guide pour savoir où on s’en va et pouvoir corriger.» 

Plusieurs initiatives locales sont mises en place dans des hôpitaux pour suivre les statistiques de l’urgence ou des durées de séjour d’hospitalisation, mais elles ne sont pas nécessairement colligées à l’échelle de la province. 

Durant la COVID-19, des statistiques de décès étaient encore compilées par télécopieur, ce qui retardait les bilans. 

Le ministre de la Santé Christian Dubé a évoqué plusieurs fois l’importance d’avoir des indicateurs clairs, et un tableau de bord a été mis en ligne récemment pour suivre certaines données (attente urgence, chirurgie, etc.) 

Le Dossier santé Québec va dans cette direction, mais il demeure incomplet. 

– Héloïse Archambault 

15 – IL FAUT REVOIR LES SOINS POUR AFFRONTER LE TSUNAMI GRIS  

L’arrivée massive d’aînés provoquera une crise si le réseau n’est pas mieux adapté 

Le nombre d’aînés de 65 ans et plus est en forte progression, et les cas de démence devraient pratiquement doubler d’ici 2035, ce qui exige une meilleure organisation des soins en première ligne pour répondre à la demande.

PHOTO D’ARCHIVES, PIERRE-PAUL POULIN

Le nombre d’aînés de 65 ans et plus est en forte progression, et les cas de démence devraient pratiquement doubler d’ici 2035, ce qui exige une meilleure organisation des soins en première ligne pour répondre à la demande.

Le Québec doit mieux dépister la démence précoce et revoir la façon de soigner les aînés à domicile, pressent des experts, sans quoi le tsunami gris causera des crises majeures d’accès aux services. 

« Il y a un problème majeur qui s’en vient, et qui va juste s’amplifier. S’il n’y a pas de stratégie, on va être ensevelis de personnes qui ont besoin d’aide et qui seront laissées à elles-mêmes », déplore le Dr Ziad Nasreddine, un neurologue spécialisé en Alzheimer.

« On aura une crise comme celle des CHSLD qui va être encore pire, parce qu’il n’y aura pas assez de ressources pour maintenir les gens à domicile et les garder le plus autonomes possible », juge le médecin de Longueuil. 

Entre 2015 et 2035, le nombre de Québécois de plus de 65 ans augmentera de 67 %, note un rapport du vérificateur général du Québec (VGQ). Les cas de démence vont d’ailleurs presque doubler (voir plus bas), et toucheront près de 200 000 aînés. 

Malgré cette hausse vertigineuse de la demande, le nombre de places en CHSLD a diminué de 15 % depuis 2005, note le VGQ dans un rapport de mai dernier. D’ailleurs, les experts sont unanimes : il faut mieux organiser les soins en première ligne et à domicile pour cette population vulnérable. 

Déjà, les aînés occupent une grande part des lits d’hôpitaux, soit à l’urgence ou sur les étages en attente d’être envoyés ailleurs. C’est donc tout le système qui est paralysé, et oblige le report de chirurgies.  

Allocations financières

Selon un chercheur du Centre d’excellence sur le vieillissement de Québec, il faut mettre en place des allocations financières directes aux aînés, selon leurs besoins. Ainsi, ils peuvent rester à la maison le plus longtemps possible, et ne dépendent plus uniquement des soins à domicile du réseau public. 

« La personne va pouvoir s’acheter des services, et le gouvernement va faire des économies, croit Philippe Voyer. Il faut dérouler davantage le tapis rouge aux gens qui veulent soigner […] comme les organismes communautaires et le secteur privé. » 

Deux fois plus cher 

Selon lui, cette solution implantée en Suisse et en France permettrait aussi d’indemniser les proches aidants, qui sont essentiels auprès des aînés et pallient le manque d’employés dans le réseau. 

Selon l’Association médicale canadienne, le coût et la demande de soins aux aînés vont doubler entre 2019 et 2031, passant de 30 milliards à 59 milliards $.  

Selon le Dr Nasreddine, des centres de dépistage cognitif doivent aussi voir le jour pour permettre une prise en charge rapide des patients et prolonger l’autonomie. 

« Si les problèmes ne sont pas détectés, les gens oublient de prendre leur médicament et se retrouvent hospitalisés, et coûtent encore plus cher au système, dit-il. On se tire dans le pied en raison de notre manque de vision à long terme. » 

UNE POPULATION VIEILLISSANTE

Aînés de 65 ans et plus 

2015 1 429 529

2035 (+67 %*) 2 388 157 

Aînés ayant des problèmes de démence

2015 98 352 

2035 (+94 %*) 191 274 

*projection du rapport du vérificateur général du Québec, 2022

Source : VGQ

– Héloïse Archambault 

PÉNURIE DE MAIN-D’OEUVRE  

16 – INVESTIR DANS LA TRANSFORMATION NUMÉRIQUE  

Au troisième trimestre de 2021, le Québec comptait 238 000 postes vacants, soit 100 000 de plus qu’un an auparavant. Sujet de l’heure s’il en est, la pénurie de main-d’œuvre est sur toutes les lèvres. 

« L’une des solutions concrètes pour contrer la rareté de la main-d’œuvre est la nécessité d’investir en transformation numérique comme dans l’automatisation et la robotisation », affirme Carl Viel, président-directeur général de Québec International.  

« Ce virage permet à l’entreprise d’améliorer sa productivité par employé tout en atténuant les difficultés liées à l’embauche de main-d’œuvre. » 

Il s’avère tout aussi important, selon lui, de miser sur la formation pour favoriser l’acquisition de compétences, la réallocation des effectifs dans l’entreprise ou encore assurer la transition professionnelle. « La mise en place d’une combinaison de moyens pourra contribuer également à la rétention de la main-d’œuvre. » 

M. Viel cite entre autres la flexibilité du travail, les avantages de l’entreprise, les occasions de formation, les possibilités d’avancement de carrière, le maintien en emploi de travailleurs plus âgés et l’inclusion des segments de la population sous-représentés.

– Diane Tremblay 

17 – ASSOUPLIR LE PROGRAMME D’IMMIGRATION   

Des travailleurs étrangers dans un champ de fraises, à l’Île-d’Orléans.

PHOTO D’ARCHIVES

Des travailleurs étrangers dans un champ de fraises, à l’Île-d’Orléans.

La pénurie de main-d’œuvre est un problème majeur pour les entreprises au pays, mais en particulier pour les PME du Québec. Selon la Fédération canadienne des entreprises indépendantes (FCEI), 55 % des entreprises canadiennes subissent la pénurie de main-d’œuvre contre 64 % au Québec.  

« Quand elles ne subissent pas la pénurie de main-d’œuvre, les entreprises sont quand même impactées parce que leurs fournisseurs subissent des pénuries de main-d’œuvre. Cela crée des retards dans les livraisons », affirme Jasmin Guénette, vice-président des affaires nationales à la FCEI. 

Pour l’organisme, plusieurs moyens peuvent être mis de l’avant pour contrer ce phénomène. « Il faut améliorer et simplifier le système d’immigration, particulièrement le programme de travailleurs étrangers temporaires. Notre suggestion, c’est d’ouvrir ce programme pour tous les types d’emploi et dans tous les secteurs de l’économie, quel que soit le taux chômage régional. » 

« Il y a beaucoup de postes à pourvoir et on doit absolument ouvrir l’immigration plus largement, plus rapidement pour tous les types d’emploi et dans tous les secteurs de l’économie. » 

– Diane Tremblay 

18 – ENCOURAGER LES TRAVAILLEURS EXPÉRIMENTÉS À RESTER SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL  

La mise en place d’avantages fiscaux serait un bon moyen pour encourager la rétention de la main-d’œuvre, estime pour sa part Steeve Lavoie, président et chef de la direction de la Chambre de commerce et d’industrie de Québec. 

« Nous souhaitons des mesures qui encourageraient les travailleurs d’expérience à demeurer au travail et les retraités à réintégrer celui-ci, des mesures qui amélioreraient l’intégration des immigrants économiques et qui permettraient d’intégrer des personnes avec des limitations, ainsi que des mesures qui attireraient les personnes autochtones et les militaires retraités sur le marché du travail », énumère-t-il.  

Plusieurs mesures fiscales pourraient encourager le retour des retraités, comme permettre aux travailleurs de 65 ans d’être exemptés de cotisation au Régime des rentes du Québec (RRQ). Autre exemple, les prestataires de la RRQ disposent d’un délai de six mois après le premier versement de leur rente pour faire une demande d’annulation, s’ils décident de retourner au travail. Cette restriction pourrait être éliminée. Les travailleurs expérimentés aimeraient pouvoir suspendre leur rente et recommencer plus tard avec une bonification plutôt que d’être pénalisés d’un point de vue fiscal. 

– Diane Tremblay 

BORDEL INFORMATIQUE  

19 – UN VRAI DOSSIER DE SANTÉ NUMÉRIQUE  

PHOTO D’ARCHIVES, AGENCE QMI

Depuis plus de 20 ans, le gouvernement promet qu’il mettra de l’ordre dans les dossiers de santé. Après avoir englouti des milliards de dollars dans divers projets, le fouillis persiste.

Les informations des patients se perdent encore, car les systèmes des différents établissements du Québec ne sont pas compatibles. Ils peuvent parfois même être encore en version papier.

Le ministre de la Santé, Christian Dubé (photo), a promis un plan de modernisation technologique du réseau chiffré à près de 1 milliard $. La pièce maîtresse est le Dossier santé numérique (DSN) qui doit améliorer l’expérience du patient. Un outil entièrement numérique grâce auquel les Québécois auront accès à leur dossier unique en temps réel. Idem pour les professionnels de la santé.

Est-ce que cette fois sera la bonne ? Des appels d’offres viennent d’être lancés et un projet pilote débutera à la fin de 2022. Deux établissements, un montréalais et l’autre en Mauricie, seront cobayes durant deux ans.

« Cette transformation fera gagner un temps précieux, en limitant la paperasse. Avec le dossier de santé numérique, les données suivront le patient. Il n’aura donc plus à raconter son histoire plusieurs fois en changeant d’établissement », a dit le ministre.

– Nicolas Lachance 

20 – UNE IDENTITÉ NUMÉRIQUE FORTE ET SÉCURITAIRE  

PHOTO STEVENS LEBLANC

La fuite de données massive chez Desjardins et les nombreuses fraudes à l’identité qui ont suivi ont montré toutes les vulnérabilités des données personnelles des Québécois, principalement sur le plan numérique.

Selon Québec, la solution réside dans une identité numérique forte et sécuritaire, pratiquement impossible à voler. Le ministre de la Cybersécurité et du Numérique, Éric Caire (photo), y travaille depuis son entrée en fonction, s’inspirant de modèles comme celui de l’Estonie.

Afin de protéger l’identité des Québécois et leur permettre d’obtenir des services publics [et peut-être même privés, par exemple auprès des banques], le gouvernement souhaite créer une application et un portefeuille numérique « sécurisé ».

Pour y arriver, le gouvernement aura recours à la reconnaissance faciale afin d’attester leur identité et de les authentifier. Cette technologie inquiète, mais le ministre assure que celle utilisée sera sécuritaire.

Puis, « il n’est absolument pas question d’obliger les Québécois à s’en servir », a affirmé le ministre. La solution devrait être disponible d’ici 2025.

– Nicolas Lachance

FINANCES PUBLIQUES  

21 – UTILISER LE FONDS DES GÉNÉRATIONS  

PHOTO D’ARCHIVES

La Loi sur la réduction de la dette adoptée en 2006 par le gouvernement de Jean Charest a « rempli son objectif » et le temps est venu de consacrer les 4 milliards $ versés au Fonds des générations pour « redresser les secteurs de la santé et de l’éducation, qui en ont un immense besoin », croit l’économiste Pierre Fortin.  

La Loi sur la réduction de la dette avait pour objectif de délester les générations futures du remboursement de la dette. « Il faut que le budget passe de la résolution du problème de dette élevée […] à la résolution des vrais problèmes du vrai monde », avance M. Fortin, citant notamment les domaines de l’éducation, de la santé et du climat. 

Son confrère Luc Godbout (photo), titulaire de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, partage la même idée, mais croit qu’il faudrait se montrer un peu plus patient avant de tirer la plogue.  

« On veut avoir une dette québécoise en dessous de la moyenne des provinces canadiennes. Une fois qu’on aura ça, on peut arrêter de dire qu’on va continuer de rembourser la dette. Avec les revenus consacrés à rembourser la dette, à verser dans le fonds des générations, on va avoir une marge de manœuvre pour équilibrer nos budgets si jamais le défi du vieillissement est difficile », avance l’expert en finances publiques. 

Il croit qu’une telle idée pourrait être mise de l’avant « dans un horizon de 10 à 15 ans ». 

« Avec une économie qui vieillit, les dépenses vont continuer d’augmenter plus vite que les revenus. […] Ça va toujours être un défi jusqu’en 2040, d’équilibrer le budget du Québec. Ça se peut que les 4 milliards servent juste à dire : on arrête de stresser, ça va permettre d’équilibrer le budget. » 

– Simon Baillargeon 

22- REPENSER LA TAILLE DE LA FONCTION PUBLIQUE  

Une meilleure gestion des finances publiques passe par une révision de la taille de la fonction publique, estime l’économiste à l’Institut économie de Montréal (IEDM), Olivier Rancourt. 

Et si le Québec veut s’engager dans cette voie, il suggère de « retourner des administrateurs au service à la population. » M. Rancourt cite en exemple des infirmières qui deviennent cadres intermédiaires dans le réseau de la santé. Ces fonctionnaires sont placées « sur une tablette », affirme-t-il. « Au lieu de donner les services à la population, ils deviennent des administrateurs. »  

Depuis 2018, la taille de la fonction publique québécoise a augmenté de 13 %, rappelle M. Rancourt, alors que le nombre de travailleurs dans le secteur privé et les travailleurs autonomes stagne.  

Une telle initiative serait bénéfique pour la province, car elle agirait sur trois fronts. « Ça permettrait de réduire nos coûts, de faire face à la pénurie de main-d’œuvre et de donner aussi un meilleur service [aux citoyens]. » 

– Simon Baillargeon 

23 – DES INITIATIVES À PLUS PETITE ÉCHELLE EN SANTÉ  

PHOTO D’ARCHIVES, AGENCE QMI

Une employée d’un hôpital pousse un patient sur sa civière.

Le coup de barre nécessaire pour améliorer notre système de santé ne viendra pas d’une grande réforme, comme on l’a trop souvent vu dans les dernières décennies, mais « de plusieurs petites transformations sur plusieurs années ».

Le Québec consacre déjà 55,8 milliards $ à la santé, soit 39 % de son budget, rappelle la professeure titulaire à l’École nationale d’administration publique Marie-Soleil Tremblay. Et tout porte à croire que ces dépenses vont augmenter plus vite que la croissance des revenus au cours des prochaines années, assure-t-elle.

 « Ce n’est pas qu’on n’investit pas assez, mais on n’investit pas comme il faut, souligne Mme Tremblay. Ce n’est pas une grande idée qui va réformer le système de santé. Ça va prendre plusieurs petits changements sur une longue période pour y arriver. » Selon elle, les politiciens doivent guider les changements avec « une vision à long terme » puisque cela « prendra du temps » et qu’il faudra « faire des choix ».

– Simon Baillargeon 

TOURISME  

24 – DES DÉLAIS DE TRAITEMENT DES DEMANDES À RÉDUIRE  

PHOTO D’ARCHIVES, STEVENS LEBLANC

Le quartier Petit-Champlain est très prisé par les touristes, à Québec.

Non seulement il faut simplifier le traitement des demandes d’immigration temporaire et permanente, mais il faut aussi accélérer les délais de traitement des dossiers qui peuvent s’étirer sur plusieurs mois. Pour Véronyque Tremblay, présidente-directrice générale de l’Association Hôtellerie Québec (AHQ), la pénurie de main-d’œuvre nuit énormément au développement de l’industrie de l’hôtellerie et « cette pénurie n’est pas près de se résorber », dit-elle.  

« Il faut bien se rendre à l’évidence que nous ne réussirons pas à combler tous nos besoins à même le bassin de travailleurs québécois. C’est vraiment long les délais. Le provincial et le fédéral doivent travailler ensemble pour nous aider. Oui, on continue de miser sur nos jeunes et de valoriser les métiers en hôtellerie, ça c’est parfait, mais c’est insuffisant. Il faut voir la réalité. » 

Par ailleurs, dans une perspective de développement durable, l’AHQ estime les hôteliers devraient pouvoir compter sur un programme de subvention pour procéder à l’installation de bornes de recharge électrique.

– Diane Tremblay 

25 – REVOIR LES PROGRAMMES DE FORMATION  

Le tourisme a été le secteur le plus durement touché durant la pandémie. Parmi les enjeux que l’on connaît, il y en a un dont on parle peu, c’est celui de la formation. 

« Les programmes d’études en tourisme, ils datent. Je n’ai pas vu nulle part où on souhaitait les améliorer parce que souvent nos métiers sont pris pour acquis. Pour inciter les jeunes, à moyen et long terme, à faire carrière dans l’industrie, il faut que les cours soient pertinents et collés sur la réalité des entreprises. Il y a beaucoup de cursus, tant au niveau des métiers professionnels qu’au niveau collégial et universitaire », a affirmé Martin Soucy, président-directeur général de l’Alliance de l’industrie touristique du Québec.  

Les programmes auraient avantage à intégrer la formule d’alternance travail-études, selon lui.  

« Il y a plein de stages à la fin des études, mais pourquoi on ne ferait pas des études en même temps qu’on travaille ? Si tu travailles, tu peux mettre concrètement en pratique ce que tu apprends. En tourisme, on peut offrir ça très bien. C’est sûr que ça amène des calendriers scolaires qui sont différents. L’alternance travail-études, je pense que c’est une clé. » 

« Si on dit au gouvernement que le tourisme est un secteur névralgique, il faut que les bottines suivent les babines. Il faut que le ministère de l’Éducation prenne en compte que le gouvernement du Québec en fait une priorité. » 

– Diane Tremblay

ACCÈS À LA PROPRIÉTÉ ET PAUVRETÉ  

26 – PLUS DE MISES EN CHANTIER  

PHOTO D’ARCHIVES, AGENCE QMI

Le nombre de mises en chantier ces dix dernières années n’a pas été suffisant, selon l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec, pour faire face à la forte demande. Une frange importante de premiers acheteurs n’est pas en mesure d’accéder aux unifamiliales dans les RMR les plus touchées. Pour l’Association, subventionner les jeunes ménages d’une quelconque façon reviendrait à alimenter davantage les conditions favorisant la surenchère, estime Charles Brant, directeur du Service de l’analyse du marché.  

« La solution est donc plutôt de bonifier la construction de logements abordables dans des environnements structurés, proches des services pour limiter l’étalement urbain et l’empreinte carbone », dit-il.  

« Ceci implique une plus grande flexi-bilité quant au plan de zonage des agglomérations les plus touchées par la surchauffe ; cette flexibilité devrait aboutir à une réglementation de zonage mieux adaptée des terrains et leurs usages afin de permettre d’accroître la superficie des terrains constructibles pour des fins résidentielles. » 

« Il faudrait que les municipalités ou le gouvernement subventionnent les développeurs qui s’engagent à construire des logements abordables selon un cahier des charges et un niveau de rentabilité définis en fonction de certaines garanties. » 

– Diane Tremblay 

27 – METTRE EN PLACE UN PROGRAMME UNIVERSEL D’ALIMENTATION SCOLAIRE  

Chaque jour, le Club des petits déjeuners rejoint plus de 67 000 enfants dans plus de 480 programmes en milieu scolaire et communautaire au Québec, pour les aider à commencer la journée du bon pied et avoir une chance égale d’apprendre. 

Pour l’organisme, la mise en place d’un programme universel d’alimentation scolaire est le moyen le plus efficace et le plus durable de donner accès à des aliments nutritifs à tous les enfants.

« Les programmes de nutrition scolaire représentent bien plus qu’un repas. Ils contribuent à créer une communauté bienveillante et inclusive, à améliorer les capacités d’apprentissage à l’école, la santé physique et mentale et favorisent l’assiduité et l’engagement des enfants », affirme Tommy Kulczyk, directeur général du Club des petits déjeuners.

« Les enfants sont l’avenir de notre société, dit-il, et nous avons la respon-sabilité collective de soutenir leur développement dès maintenant et pour l’avenir. »

– Diane Tremblay 

28 – UN FINANCEMENT ACCRU POUR LES ORGANISMES JEUNESSE  

La pandémie a accentué des enjeux qui étaient déjà présents chez les jeunes, en plus d’en créer des nouveaux. Selon le Regroupement des organismes communautaires autonomes jeunesse du Québec (ROCAJ), la santé des jeunes a été affectée tant sur le plan mental que physique.

« Les organismes communautaires autonomes jeunesse permettent de rejoindre des jeunes souvent éloignés ou en rupture face au système, le travail de ces organisations est en importante complémentarité. C’est pourquoi il faut accorder un financement adéquat aux organismes communautaires autonomes jeunesse afin de ne laisser aucun jeune de côté », a affirmé Philippine Bonte, porte-parole. 

Le ROCAJ constate que beaucoup d’actions gouvernementales ciblent les 0-12 ans tandis que les 12-29 ans ne sont souvent soutenus que sous l’angle de la qualification en emploi, alors que les besoins sont nombreux.  

« Les 12-25 ans sont souvent absents dans l’élaboration des politiques publiques notamment dans les axes de prévention. Il faut que tous les jeunes soient considérés dans une approche globale tout au long de leur parcours de vie et ils ne doivent pas être reconnus uniquement à travers les difficultés qu’ils traversent », a ajouté Mme Bonte. 

– Diane Tremblay 

29 – INSTAURER UN CONTRÔLE UNIVERSEL DES LOYERS  

PHOTO D’ARCHIVES, AGENCE QMI

Afin de mieux protéger les locataires et le parc de logements locatifs abordables, un contrôle obligatoire et universel des loyers doit être instauré, selon le Bureau d’animation et information logement du Québec métropolitain (BAIL). 

Pour les locataires, la flambée des loyers qui frappe le Québec est le principal obstacle à l’accès au logement et au maintien dans les lieux.

Les mécanismes actuels pour encadrer les hausses de loyer, créés il y a plusieurs décennies par le gouvernement du Québec sont « inefficaces », tranche le BAIL, puisque leur mise en branle repose entièrement sur les épaules des locataires. 

Chaque année, le Tribunal administratif du logement (TAL) établit des pourcentages d’augmentation que les propriétaires sont libres ou non d’appliquer.  

Le BAIL souhaite voir la mise en place d’un mécanisme de contrôle qui fixerait le taux maximal d’augmentation pour éviter les abus. Ce rôle pourrait être assumé par le TAL. 

– Diane Tremblay 

30 – PLUS DE MAISONS D’HÉBERGEMENT POUR FEMMES  

À court terme, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale demande au gouvernement la création de six nouvelles maisons, minimalement, pour répondre à la demande grandissante.  

Selon le Regroupement, le dernier budget du gouvernement du Québec permettra de couvrir seulement le tiers des besoins qui avaient été déterminés, souligne la présidente, Chantal Arseneault. 

Le Regroupement estime qu’un rehaussement de 35,5 M$ est nécessaire pour la consolidation du réseau et la création immédiate de six nouvelles maisons. Or, en additionnant les sommes promises au printemps 2021 et les sommes prévues au budget 2022, l’enveloppe globale des maisons sera rehaussée de 14 M$. Même à l’échéance, dans cinq ans, ce ne sont que 28 M$ qui auront été ajoutés. C’est donc un manque à gagner important, qui se répercutera sur les services des maisons, soutient l’organisme qui représente 44 maisons d’aide et d’hébergement. 

Au fil des ans, les maisons devront faire face à l’inflation et à la nécessité d’augmenter les salaires des travailleuses pour respecter les échelons salariaux.

– Diane Tremblay

SÉCURITÉ PUBLIQUE  

31 – DES PROJETS PILOTES POUR SAUVER DES VIES  

La prévention demeure le meilleur moyen de prévenir les féminicides au Québec

PASCAL D’ARCHIVES, AGENCE QMI

En 2021, 26 femmes ont été assassinées dans un contexte de violence conjugale au Québec, dont une femme de 32 ans, le 19 juillet, dans son logement d’un immeuble du quartier Parc-Extension, à Montréal.

Les féminicides demeurent l’un des enjeux de société les plus marquants des dernières années et deux projets d’envergure actuellement en marche pourraient permettre une meilleure prévention de ces drames.

Déjà, depuis le début de l’année, cinq femmes ont été assassinées dans un contexte conjugal au Québec. Au cours de l’année précédente, le chiffre s’élevait à 26.  

Tous les observateurs du milieu s’entendent : la prévention demeure la meilleure façon d’éviter de tels drames.  

Les bracelets antirapprochements viennent tout juste d’être déployés. Le projet sera implanté d’abord dans la région de Québec, puis éventuellement dans toute la province. 

PHOTO D’ARCHIVES, AGENCE QMI

Les bracelets antirapprochements permettraient une meilleure prévention de ces drames.

La firme privée Les Commissionnaires a obtenu le contrat afin d’assurer la surveillance des contrevenants qui porteront les bracelets 24 h sur 24, 7 jours sur 7.  

Le critère principal pour adhérer au programme sera le consentement de la victime. Le porteur du bracelet devra également avoir été accusé ou condamné pour une infraction en matière de violence. Un juge, un directeur de prison et la Commission québécoise des libérations conditionnelles seront en mesure d’ordonner une telle condition de remise en liberté.  

Tribunal spécialisé

En parallèle, le premier tribunal spécialisé en matière d’agression sexuelle et de violence conjugale vient d’être lancé à Québec, où le nombre de dossiers pour agression sexuelle et violence conjugale est particulièrement élevé. Il vise notamment à inciter les femmes à porter plainte. 

En leur octroyant un meilleur accompagnement, notamment en conservant le même procureur pour toute la durée des procédures, en installant des paravents et en octroyant des salles réservées, le nouveau système vise à rendre les victimes le plus à l’aise possible pour naviguer dans ce douloureux processus.  

Le but ultime de ce projet d’envergure est d’adapter le système aux victimes, et non l’inverse.  

– Frédérique Giguère 

32 – DIMINUER LE TAUX D’ALCOOLÉMIE À 0,05  

L’alcool au volant demeure l’une des causes de décès sur les routes les plus fréquentes au Québec. Malgré ce constat alarmant qui perdure depuis plusieurs décennies, le gouvernement continue d’ignorer l’une des solutions les plus fréquemment proposées, celle d’imposer des sanctions administratives dès que la limite de 0,05 est atteinte.  

De nombreux organismes l’ont suggéré dans le passé et une réforme du Code de la sécurité routière a été tentée à quelques reprises au cours des 15 dernières années. 

L’INSPQ fait partie des défenseurs de l’idée, affirmant que la vigilance et la capacité à maintenir une ligne droite, à conduire dans sa voie et à évaluer la distance avec un autre véhicule sont affectées lorsqu’une personne est à 0,08. Qui plus est, conduire avec un taux d’alcoolémie supérieur à 0,05 quadruple les risques de collision mortelle.  

Pour CAA-Québec, cette modification serait hautement bénéfique, puisque les statistiques montrent que la grande majorité des gens qui se font coincer pour alcool au volant ne récidive jamais.  

Or, le ministère des Transports n’a toujours pas l’intention de revoir le taux d’alcoolémie permis au Québec, mais demeure ouvert à discuter de toute initiative qui permettrait d’améliorer le bilan routier. 

– Frédérique Giguère 

33 – CONTRER LE PROJET DE LOI C-5  

Alors que des centaines de millions de dollars ont récemment été investis dans la lutte contre les armes à feu, Ottawa étudie la possibilité de réduire les peines minimales pour de nombreuses infractions qui s’y rattachent. Deux initiatives complètement contradictoires, estiment de nombreux policiers.

Actuellement à l’étude, le projet de loi C-5 suppri-merait notamment les peines minimales pour des infractions graves, telles que décharger, posséder et utiliser une arme à feu. L’initiative vise à réduire la proportion d’Autochtones et de Noirs dans les prisons.  

Le gouvernement fédéral passerait un très mauvais message en adoptant une telle loi, selon l’Association des directeurs de police du Québec (ADPQ), considérant les nombreuses fusillades survenues récemment dans la grande région de Montréal.  

Leur représentant, le chef de police de Laval, Pierre Brochet, suggère plutôt d’accorder un pouvoir discrétionnaire aux juges, en leur permettant dans certaines circonstances de ne pas adopter de peine minimale pour des « raisons humanitaires ».  

– Frédérique Giguère

IMMIGRATION  

34 – LA RÉGIONALISATION DE L’IMMIGRATION  

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PHOTO D’ARCHIVES

Un travailleur étranger en pleine action dans un champ de canneberges, dans le Centre-du-Québec.

Le gouvernement devrait « offrir des incitatifs importants » pour convaincre les immigrants de s’installer dans les régions, qui peinent à les attirer et qui en ont grandement besoin. 

« [Il faut] avoir des programmes d’immigration spécifiques aux régions du Québec », clame Hélène Lejeune, responsable des services aux immigrants pour l’organisme Alpha-Lira, à Sept-Îles.  

Selon elle, le ministère de l’Immigration a déjà mis en place des stratégies pour persuader les nouveaux arrivants, mais il « faut en faire plus », comme en Ontario, où des programmes incitent les immigrants à s’installer dans le nord de la province. 

« L’immigration en région, c’est une chose, l’immigration en région éloignée en est une autre. Pour le ministère [de l’Immigration], Saint-Hyacinthe, c’est une région. Mais quand Saint-Hyacinthe fait compétition à la Côte-Nord, pour attirer des immigrants, c’est sûr que nous, on est désavantagés, comme bien d’autres régions d’ailleurs. » 

– Simon Baillargeon 

35 – DES SERVICES SUPPLÉMENTAIRES À CONSOLIDER  

PHOTO D’ARCHIVES, STEVENS LEBLANC

Natacha Battisti, directrice générale du Centre multiethnique de Québec.

Le Québec « a déjà une bonne base » pour accueillir ses immigrants, mais si la province souhaite réussir « le grand défi » de leur intégration, elle doit absolument « consolider ses services complémentaires ». 

Concrètement, cela signifie de préparer le travail en amont, avant l’arrivée des immigrants, explique la directrice générale du Centre multiethnique de Québec, Natacha Battisti. « Ça nous permet de voir les défis avant l’arrivée. C’est ça, le grand défi de l’intégration », résume-t-elle. 

La dirigeante de cet organisme communautaire autonome ayant pour mission d’accueillir les immigrants de toutes catégories à Québec rappelle qu’il faut « cogner à plusieurs portes » quand on prépare la venue des nouveaux arrivants. Mais meilleure est cette préparation, plus les chances sont grandes que l’intégration se passe bien. « Ça nous permet de voir les défis avant l’arrivée. » 

Elle donne l’exemple d’un immigrant dont l’arrivée au Québec a été bien préparée et ses débuts dans un nouvel environnement de travail ont été planifiés. « Si mon travailleur est bien dans son milieu de travail, dans son accueil. Il va avoir un effet positif sur sa communauté d’accueil. Et l’inverse est aussi vrai. C’est gagnant-gagnant. Mais pour ça, faut travailler nos services en amont. » 

– Simon Baillargeon 

36 – POUR EN FINIR AVEC LES LONGS DÉLAIS DE TRAITEMENT  

Les délais « abominables » dans les demandes de traitement de dossiers des travailleurs étrangers doivent impérativement être réduits par le gouvernement si le Québec souhaite réduire son problème de pénurie de main-d’œuvre. 

« C’était trois ou quatre mois de délai avant la pandémie. Maintenant, c’est 16 mois », se désole le président de l’Association d’aide à l’immigration, Robert Stead, qui croit que le gouvernement doit prendre le taureau par les cornes et mettre en place des stratégies pour réduire au maximum le temps d’attente.  

Selon lui, l’embauche de personnes pour traiter les demandes et une restructuration de la façon de faire aideraient à régler le problème. « Ils ont eu l’idée de centraliser beaucoup de demandes à une seule ambassade. Par exemple, Cuba, Venezuela et plusieurs autres pays alentour vont tous au Mexique. […] Malheureusement, ça tarde et ça cause des problèmes. »

– Simon Baillargeon

VIVRE ENSEMBLE  

37 – UN COUSCOUS POUR TISSER DES LIENS  

PHOTO STEVENS LEBLANC

Boufeldja Benabdallah, cofondateur du Centre culturel islamique de Québec.

Il n’est pas nécessaire de chercher bien loin pour trouver l’idée qui permettra aux Québécois d’améliorer le vivre-ensemble. Pour le cofondateur du Centre culturel islamique de Québec, Boufeldja Benabdallah (photo), la solution passe par de petites actions concrètes et la multiplication des rencontres et des occasions de fraterniser avec les immigrants. 

Par de simples initiatives, par exemple le partage d’un couscous, comme le propose un commerçant en alimentation exotique de Québec, les choses peuvent changer.  

« Vivre ensemble autour d’un couscous, c’est une autre façon de tisser des liens, de se connaître, de goûter à un mets aujourd’hui classé comme patrimoine mondial de l’UNESCO, parce qu’il rassemble les gens sans distinction et à toutes les occasions joyeuses ou de chagrin », souligne M. Abdallah. 

Il cite aussi en exemple un jardin collectif de Sainte-Foy, « où les rencontres fraternelles autour d’actions de jardinage de la terre et de partage des récoltes », permettent de tisser des liens forts. 

« Cet exemple pourrait être multiplié dans les 21 districts de la ville de Québec », avance-t-il. 

– Simon Baillargeon 

38 – UNE CULTURE À CÉLÉBRER  

De « grands pas » ont été faits au Québec pour améliorer le vivre-ensemble avec les Premières Nations. Mais si la province souhaite continuer dans cette direction, cela passera par « une célébration de nos cultures », assure la directrice du Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec (RCAAQ), Tanya Sirois.

Et pour y arriver, tout le monde, sans exception, doit y mettre du sien. « On doit prendre le temps d’écouter les autres, se renseigner, écouter et transmettre nos apprentissages, dit Mme Sirois. Je ne veux pas avoir l’air de faire la leçon. Je m’inclus là-dedans. Ça va prendre des efforts et l’effort doit venir de tout le monde. »

L’entrevue avec Mme Sirois a eu lieu le 21 juin, Journée nationale des Autochtones. C’est justement à l’occasion de « ce genre de journée que l’on peut prendre la peine d’apprendre quelque chose de nouveau sur une culture », souligne-t-elle.

« Il faut se parler, s’écouter se respecter et se découvrir à travers plusieurs événements. […] C’est une solution qui est accessible à tous. »

– Simon Baillargeon

ENVIRONNEMENT  

39 – UNE PRÉCIEUSE RESSOURCE À PROTÉGER  

Vingt ans après la mise en place de la Politique nationale de l’eau, il est désormais « important d’assurer la gestion de l’eau par bassin versant » afin d’assurer la pérennité de cette précieuse ressource. 

« Obtenir le vrai portrait global par bassin versant » est capital, juge la directrice générale de l’organisme Eau secours, Rébecca Pétrin. Pour remédier à la situation, il est impératif de connaître la quantité d’eau prélevée par les grandes compagnies établies au Québec. 

« Les données ne sont pas transparentes, c’est caché sous le secret commercial. Nous sommes allés en cour pour avoir les quantités prélevées par les embouteilleurs d’eau au Québec et ça nous a été refusé », déplore-t-elle. 

Mme Pétrin rappelle que de « très grandes quantités » d’eau sont prélevées sans que l’on connaisse les effets sur les bassins versants de chaque région. 

« Il va y avoir des conflits d’usage majeurs dans le futur, et l’ignorance actuelle fait qu’on a un gaspillage d’eau et on n’arrive pas à la gérer de façon responsable. On doit avoir les chiffres », ajoute-t-elle.

– Simon Baillargeon 

40 – UN OBSERVATOIRE NATIONAL DE LA FORÊT PUBLIQUE  

 Les forêts du Québec bénéficieraient grandement de la mise en place d’un observatoire national de la forêt publique qui permettrait un regard « indépendant » et « transparent » sur cette précieuse ressource.

Le professeur en écologie animale et forestière à l’UQAM et directeur du Centre d’étude sur la forêt plaide pour la création d’un tel organisme pour mieux protéger les immenses forêts de la province.

« Le gain est dans l’accès à une information rigoureuse, transparente, et qui n’est pas biaisée par une organisation qui est juge et partie du développement durable de la forêt », explique M. Drapeau, précisant au passage que le gouvernement se trouve actuellement à être « juge et partie dans ses stratégies d’aménagement. »

Il rappelle que ce n’est pas d’hier que la communauté scientifique s’inquiète de la gestion des forêts. « Le milieu universitaire peut certainement faire partie de la solution », assure-t-il.

Ainsi, les forêts québécoises ont besoin d’« un peu d’indépendance et beaucoup de science », résume-t-il. « Le gouvernement fait un bilan de la forêt de 2013 à 2018. C’est une peau de chagrin. On ne fait que la promotion de la mise en place d’une stratégie d’aménagement. Mais on n’a aucune analyse critique sur sa mise en œuvre, qu’est-ce qu’on fait de bien ou pas, comment on pourrait s’améliorer. »

« L’observatoire pourrait amener ça parce qu’il ne serait pas nécessairement sous l’égide du ministère. »

– Simon Baillargeon 

41 – UN CHANGEMENT DE CAP S’IMPOSE EN ENVIRONNEMENT  

PHOTO D’ARCHIVES

La raffinerie Jean-Gaulin de Valéro, à Lévis, compte parmi les plus grands pollueurs du Québec.

Les politiciens québécois doivent se montrer « plus ambitieux » pour la protection de l’environnement et un « changement de cap » est nécessaire pour que la province se dote de lois plus efficaces pour protéger la nature.  

La professeure Paule Halley, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit de l’environnement, juge capital que la classe politique fasse « une introspection » et cesse de perpétuer « des régimes juridiques qui existent depuis les années 70 » et qui « ne mènent pas à des résultats. »  

Selon elle, le droit de l’environnement « s’inscrit toujours dans la même continuité de la gestion hautement discrétionnaire des risques » depuis plus de 50 ans.  

Même si d’importantes modifications sont apportées aux lois et règlements, elles sont loin de suffire face aux « défis » auxquels la planète est confrontée. Il ne faut pas seulement gérer les risques, il faut les atténuer », assure Mme Halley. 

La réflexion critique qu’elle propose s’accompagne de changements de législation « afin d’accorder une réelle protection légale aux espèces en péril et à leurs habitats essentiels. » 

– Simon Baillargeon 

JUSTICE  

42 – LA COUR D’ÉCOLE POUR APPRENDRE LA JUSTICE  

Améliorer le système de justice au Québec passe par l’éducation de ses citoyens. La formule n’a rien de sorcier, mais elle demeure efficace, plaide la directrice adjointe au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), Sophie Lamarre, puisqu’il y a « encore du travail à faire en termes d’éducation ». 

Pour y arriver, le DPCP a notamment mis sur pied un projet éducatif baptisé « La cour d’école » où des procureurs vont à la rencontre d’élèves de 5e année pour leur donner des cours hebdomadaires « de façon ludique ». Durant 15 semaines, tout y passe : réseaux sociaux, consentement et même un procès fictif.

En plus de conscientiser les jeunes, les activités permettent d’« accroître la confiance envers notre système ». « Quand on démystifie comment ça fonctionne […] on peut avoir confiance, on peut aussi poser des questions et avoir un regard critique », résume Me Lamarre. 

« C’est super important parce qu’il faut qu’ils sentent que le système est là pour soutenir les victimes, les témoins, etc. Ça donne un sentiment de justice et de sécurité. » 

Un peu plus de 1200 élèves ont participé au projet l’an dernier. Le DPCP « réfléchit pour le faire grandir » et rejoindre encore plus de jeunes. 

– Simon Baillargeon 

43 – UNE TROISIÈME PARTIE À LA COUR  

PHOTO D’ARCHIVES, JÉRÉMY BERNIER

Marc Bellemare, avocat et ex-ministre de la Justice.

Le système de justice criminelle devrait être « réformé » afin de permettre aux victimes « d’être une partie au procès », croit l’avocat Marc Bellemare.  

Cette idée mise de l’avant par l’ex-ministre de la Justice « permettrait aux victimes d’être entendues à part entière » par le système de justice, plaide Me Bellemare, même si cela amenait un « processus un peu plus lourd ».  

« Le DPCP, son rôle, c’est de représenter le public, ce n’est pas de représenter la victime. C’est toute la différence du monde. […] C’est certain que ça amène beaucoup de frustration chez les victimes, qui ne sont pas toujours entendues ni bien représentées par le DPCP. » 

Ainsi, les victimes pourraient avoir « leur avocat, interroger l’accusé, produire une preuve et amener des experts, alors qu’actuellement, c’est juste l’accusé et la Couronne qui ont le droit de faire ça. » 

Mais pour y arriver, il faudra « un gouvernement fédéral qui serait dédié aux victimes, comme l’a été le gouvernement Harper », avance Me Bellemare. 

– Simon Baillargeon 

44 – DES LOIS POUR AIDER LES VICTIMES  

Il faut continuer d’épauler les victimes d’acte criminel par des lois afin de leur offrir le « soutien et l’accompagnement » nécessaire pour les aider à « reprendre le cours de leur vie. »  

La réforme de l’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC), entrée en vigueur en octobre 2021, a été un grand pas en ce sens au Québec. Cette loi « accroît l’admissibilité au régime d’aide financière pour les personnes victimes d’infractions criminelles », se félicite l’IVAC. 

Cette même loi a également permis d’élargir la notion de personne victime afin d’inclure tout le noyau familial, tout en modulant l’offre de services selon les besoins de chaque victime. 

« Ainsi, la personne ayant subi directement l’infrac-tion criminelle pourra recevoir une indemnisation, et ses parents, ses enfants, son conjoint, ses personnes à charge et ses proches le pourront aussi désormais », explique l’IVAC.

– Simon Baillargeon

SPORT  

45 – UNE REFONTE DU HOCKEY MINEUR  

PHOTO D’ARCHIVES, AGENCE QMI

Nommé directeur général de Hockey Québec l’an dernier, Jocelyn Thibault (photo) dit qu’il souhaite ramener le Québec parmi l’élite du développement des joueurs et des joueuses de pointe.

Depuis quelques années, le Québec fait pâle figure au repêchage de la Ligue nationale de hockey, où les ligues de l’Ontario et de l’Ouest, mais aussi les joueurs issus des universités américaines, ont pris le haut du pavé.

La baisse des inscriptions au hockey mineur (une chute de près de 20 % au cours des cinq dernières années) inquiète aussi la plus grande instance de ce sport au Québec. M. Thibault attribuait l’hémorragie à la hausse des coûts liés à la pratique du hockey, à la rigueur du calendrier pour les jeunes athlètes, et à l’importance démesurée accordée au niveau élite.

Parmi les pistes de solutions évoquées, on retrouve un hockey mineur davantage basé sur l’acquisition d’habiletés que sur la compétition, ainsi qu’un meilleur appui au réseau de hockey scolaire.

– Jessica Lapinski 

46 – UN FINANCEMENT ACCRU DU SPORT D’ÉLITE  

PHOTO D’ARCHIVES, AFP

Marion Thénault, Miha Fontaine et Lewis Irving, sur le podium aux Jeux de Pékin, en février dernier.

La rigueur du climat, l’inaccessibilité des installations sportives (ou leur inexistence) et le manque de financement de certaines disciplines posent problème à plusieurs athlètes d’élite, forcés de s’exiler en Europe ou ailleurs afin de pouvoir pratiquer leur sport. Et, bien sûr, cela ne se fait pas sans coûts.

Le problème n’est pas propre au Québec. Il touche plusieurs sportifs de l’élite canadienne. À titre d’exemple, les médaillés de bronze en saut à ski aux Jeux olympiques de Pékin ont déploré, après leur podium, en février, le fait qu’ils devaient s’entraîner en Slovénie à leurs frais en raison du manque d’infrastructures au pays.

Au Canada, le financement du sport est presque uniquement basé sur les résultats olympiques, déplorent plusieurs experts du milieu. Ils revendiquent un financement plus équitable de toutes les disciplines afin de soutenir les athlètes adéquatement dans leur quête d’excellence.

– Jessica Lapinski 

47 – DES INFRASTRUCTURES SPORTIVES QUI ONT BESOIN D’ARGENT  

Le manque d’infrastructures sportives au Québec et leur désuétude ne touchent pas que les athlètes d’élite, mais aussi la population en général.

Directrice générale de Sports Québec, Isabelle Ducharme constate qu’il existe au Québec de « très belles infrastructures sportives ». « Mais il en manque pour avoir une bonne pratique du sport, accessible à la population, affirme-t-elle. On manque de gymnases, d’arénas, de terrains de baseball. »

Mme Ducharme aimerait qu’un portrait des infrastructures manquantes ou qui nécessitent réfection soit dressé, afin de démocratiser davantage l’accessibilité aux plateaux sportifs à travers la province.

« Il faut de l’investissement. Actuellement, les ministères reçoivent de nombreuses demandes auxquelles ils ne sont pas capables de répondre parce que les sommes sont trop volumineuses », pointe-t-elle.

– Jessica Lapinski

SPECTACLES  

48 – CULTIVER LA RICHESSE DES RENCONTRES ENTRE AUTEURS ET JEUNES LECTEURS D’ICI  

PHOTO D’ARCHIVES

Depuis 10 ans, l’auteur Simon Boulerice va à la rencontre d’élèves des niveaux primaire et secondaire.

C’est en établissant des contacts directs avec les œuvres et les écrivains d’ici que les jeunes éprouveront du plaisir et de la fierté à plonger dans notre littérature. Une littérature dans laquelle ils se retrouvent à travers les lieux, les personnages et leurs questionnements.

« Je rentre du Salon international du livre de Québec et j’y ai fait des rencontres touchantes, dont plusieurs profs qui enseignent avec la littérature jeunesse », explique l’auteur Simon Boulerice qui va à la rencontre d’élèves des niveaux primaire et secondaire québécois depuis 10 ans.

« Pour parler d’enjeux de société – le racisme, l’homophobie ou l’exclusion, par exemple –, ils ont recours à des livres d’ici, écrits maintenant. Les enfants, voir un adulte qui orchestre sa vie à partir des mots et de la fiction, ça déploie des rêves de création et des désirs de découvrir le monde à travers les livres. »

– Sarah-Émilie Nault 

49 – TRAITER LES ARTISTES COMME LES AUTRES TRAVAILLEURS  

La pandémie l’a prouvé : les artistes québécois vivent dans une précarité constante et ils sont trop souvent les premiers à écoper, et sévèrement, en temps de crise. Attendue depuis longtemps, la réforme des lois sur le statut de l’artiste, qui datent de la fin des années 1980, ne saurait donc tarder.

« C’est une question de justice sociale. Les artistes sont des travailleurs comme les autres », plaide le directeur général de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois, Laurent Dubois, qui croisait les doigts, récemment, pour que le projet de loi de la ministre de la Culture, Nathalie Roy, puisse être déposé avant la fin de la session parlementaire.

Des efforts récents laissent croire que le projet de loi pourrait être adopté avant la campagne électorale.

La communauté artistique réclame d’être traitée comme tous les autres travailleurs en matière de santé et sécurité au travail. « Nous nous attendons à une loi structurante, qui accorde une protection et un cadre obligatoire au niveau des employeurs », soutient M. Dubois.

– Cédric Bélanger 

50 – UN PASSEPORT DE SPECTACLES  

Et si les salles de spectacles imitaient les stations de ski ? Chaque hiver, les skieurs québécois peuvent profiter de rabais dans plus de 70 stations de la province grâce à la passe Ski Passe-Partout. Dans l’optique de redonner le goût aux gens d’aller voir des concerts d’artistes québécois, certaines salles pourraient se regrouper et offrir un passeport avec des rabais sur des billets ou autres avantages.

Porte-parole de l’Association des salles de spectacles indépendantes du Québec, qui comprend notamment le Club Soda, le Lion d’Or, le Théâtre St-Denis et le Capitole de Québec, Michel Sabourin mentionne qu’une telle formule serait « bien complexe à gérer ».

Il reconnaît toutefois que les salles doivent se donner les moyens de développer et fidéliser davantage leur clientèle, « ce qu’on ne fait pas ». Selon lui, il faut aussi intéresser les gens à aller voir les artistes d’ici, ce qu’un passeport pourrait faciliter.

– Raphaël Gendron-Martin

source : journaldemontreal.com

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