Cinglante défaite judiciaire d’Eddy Savoie : la Cour Supérieure rejette sa poursuite-bâillon

De novembre 2010 à juillet 2011, la mère de madame Pierrette Thériault-Martel, madame Yvette Leduc, a été hébergée au CHSLD Saint-Lambert-sur-le-Golf, premier CHSLD construit en partenariat-public-privé dont monsieur Eddy Savoie est propriétaire. Durant cette période, madame Thériault-Martel a rendu visite à sa mère quotidiennement. Elle a donc été à même de constater de graves lacunes dans les soins et services prodigués à sa mère et aux autres résidents. C’est dans ce contexte qu’elle a décidé de prendre action, avec d’autres familles, pour dénoncer publiquement les mauvais services offerts aux personnes âgées vivant au CHSLD Saint-Lambert-sur-le-Golf.

Ainsi, en juin 2011, madame Thériault-Martel a repris publiquement une déclaration antérieure d’un officier syndical du CHSLD Saint-Lambert-sur-le-Golf relativement à la gestion des couches.

En juillet 2011, monsieur Eddy Savoie a décidé d’intenter personnellement une action en diffamation à l’encontre de madame Thériault-Martel pour les propos tenus après l’avoir mise en demeure de se rétracter et de s’excuser publiquement, ce qu’elle avait refusé de faire.

En raison de la poursuite en diffamation dans laquelle monsieur Savoie réclamait une somme de 400 000$ en dommages et intérêts, Madame Thériault-Martel a été forcée d’entreprendre de longues et coûteuses démarches judiciaires pour se défendre.

Or, suite à une requête présentée par madame Thériault-Martel pour demander le rejet de l’action de monsieur Savoie, la Cour Supérieure a déclaré, dans une décision rendue le 10 septembre dernier, que la poursuite en diffamation était abusive. Ainsi, à titre de sanction, la Cour Supérieure a rejeté l’action en diffamation et ce, à un stade préliminaire, soit avant même qu’un procès ne soit tenu en plus de réserver son droit de réclamer des dommages-intérêts et des dommages punitifs.

Dans son jugement, la Cour Supérieure explique, dans un premier temps, qu’une poursuite-bâillon est un recours qui vise à restreindre l’exercice des droits fondamentaux dans le contexte des débats publics. Ainsi, l’Honorable Gary D.D. Morrison souligne que les propos de madame Thériault-Martel ont été communiqués à l’intérieur d’un débat public concernant le CHSLD Saint-Lambert-sur-le-Golf.

De plus, quant aux montants réclamés à madame Thériault-Martel, monsieur Savoie se justifie en disant que cette dernière a agi de concert avec l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées (AQDR) en rapport avec les propos qu’il allègue être diffamatoires. Or, la Cour Supérieure est d’avis que cet argument tend à démontrer que monsieur Savoie cherchait, par sa poursuite à l’encontre de madame Thériault-Martel, à dissuader également l’AQDR dans sa campagne de dénonciation alors que cette dernière n’a pas été poursuivie.

Par ailleurs, la Cour Supérieure souligne que l’inégalité des forces économiques des parties est également un facteur à considérer dans l’examen de la poursuite de monsieur Savoie. En effet, le juge Morrison souligne que madame Thériault-Martel n’est pas une femme riche. Or, la Cour Supérieure explique que puisque monsieur Savoie se décrit lui-même comme un homme d’affaires ayant réussi, il est donc financièrement plus puissant que madame Thériault-Martel.

La Cour Supérieure prend également en considération dans son analyse le fait que monsieur Savoie demande à madame Thériault-Martel de s’excuser publiquement auprès du CHSLD Saint-Lambert-sur-le-Golf et indique que cette démarche démontre que son but est de contrôler les propos de madame Thériault-Martel à l’égard de son établissement.

Finalement, la Cour Supérieure souligne le fait que monsieur Savoie n’a pas été en mesure de fournir des explications raisonnables pour justifier des dommages de 400 000$ et donc que le montant réclamé peut être perçu comme un geste d’intimidation.

Par conséquent, la Cour Supérieure conclut que la demande en justice intentée par monsieur Savoie est abusive et constitue une poursuite-bâillon. En effet, la Cour Supérieure est d’avis que le véritable objectif de monsieur Savoie était de faire taire toute opinion contraire à ses intérêts et ceux de son établissement et de limiter les droits fondamentaux de madame Thériault-Martel dans le contexte de débats publics. Ainsi, la sanction qui s’impose est le rejet de sa poursuite en diffamation.

Ce jugement constitue une grande victoire pour madame Thériault-Martel après plus de deux ans de bataille judiciaire, mais également pour les personnes vulnérables. En effet, la décision de la Cour Supérieure dans cette affaire aura des répercussions très importantes sur la protection des droits des personnes âgées en établissement de santé puisqu’elle envoie un message très clair, soit que l’on ne peut utiliser le système judiciaire pour opprimer et faire taire les personnes qui voudraient dénoncer la qualité des soins et des situations d’abus dans le système de santé.

Renseignements :

Me Jean-Pierre Ménard

Ménard, Martin, avocats

(514) 253-8044

AQDR