Un comité parlementaire examine l’aide médicale à mourir et les troubles mentaux

OTTAWA — Une psychiatre a déclaré devant le comité mixte spécial du Parlement sur l’aide médicale à mourir que les personnes atteintes de troubles mentaux peuvent souffrir pendant des décennies et que leur détresse est tout aussi valable que celle d’une personne souffrant de douleurs physiques.

Les personnes souffrant «uniquement» de troubles mentaux devraient pouvoir se prévaloir de l’aide médicale à mourir en mars prochain. 

La psychiatre Justine Dembo, qui évalue des candidats à l’aide médicale à mourir, a également mis en garde vendredi le comité multipartite contre la perpétuation de la stigmatisation liée à la maladie mentale.

Les défenseurs des personnes souffrant de maladies mentales préviennent qu’il est plus difficile de prédire les résultats et les traitements de ces maladies, et que le désir de mourir est souvent un symptôme. Mais un groupe d’experts a déclaré plus tôt cette année que les critères d’admissibilité et les garanties déjà prévues par la loi fédérale sur l’aide médicale à mourir seraient adéquats.

Les deux arguments ont été avancés vendredi par une poignée de témoins qui ont comparu devant les députés et sénateurs membres du Comité spécial sur l’aide médicale à mourir, qui délibère sur les politiques à recommander aux législateurs avant la date butoir de mars 2023.

Ellen Cohen, coordinatrice du National Mental Health Inclusion Network, a déclaré aux membres du comité que le Canada avait besoin de lois pour aider les patients, pas pour leur faire du mal.

«Je ne pense pas que des garanties ont vraiment été recommandées», a-t-elle déclaré.

Mme Cohen a démissionné en décembre dernier du Groupe d’experts du gouvernement fédéral sur l’aide médicale à mourir et la maladie mentale. Elle estimait alors qu’il n’y avait pas de places pour déterminer comment les personnes vulnérables pourraient être protégées.

Dans son rapport publié en mai dernier, ce groupe d’experts a conclu que les critères d’admissibilité actuels et les garanties existantes seraient adéquats «tant qu’ils sont interprétés de manière appropriée pour prendre en considération la spécificité des troubles mentaux».

Évaluer au cas par cas

Mme Dembo, qui était aussi membre du groupe d’experts, a déclaré que le respect de ces directives pour les personnes atteintes de troubles mentaux «garantirait une approche extrêmement complète, approfondie et prudente». Elle a rappelé au comité mixte spécial vendredi que les personnes atteintes de troubles mentaux peuvent souffrir pendant des décennies.

«Soutenir qu’une personne atteinte de maladie mentale ne devrait tout simplement pas être admissible, avec cette grosse déclaration générale, où les gens n’ont même pas la chance d’être évalués en tant qu’individus uniques dans leur situation, c’est pour moi très stigmatisant», a-t-elle soutenu.

Bien que le rapport provisoire du comité parlementaire, publié en juin, ne formule pas ses propres recommandations, il conclut en exhortant «le gouvernement fédéral à collaborer avec les provinces, les territoires et d’autres intervenants pour faire en sorte que les recommandations du comité d’experts soient mises en œuvre en temps opportun».

Le rapport final du comité mixte doit être présenté le 17 octobre. Il devrait aussi formuler des recommandations sur d’autres aspects de l’aide médicale à mourir, notamment l’accès pour les mineurs matures, les demandes anticipées, l’état des soins palliatifs et la protection des personnes handicapées.

Mme Cohen a qualifié d’irréaliste la date butoir de mars 2023 pour mettre en œuvre la réforme de la loi. Mais la psychiatre Dembo n’est pas d’accord: elle a soutenu devant les députés et sénateurs que les évaluateurs acquièrent déjà de l’expérience en suivant les directives existantes.

«Ça dépendra de l’engagement et de l’efficacité des divers organismes provinciaux et locaux dans la mise en œuvre des lignes directrices basées sur le rapport du groupe spécial, a-t-elle plaidé. J’espère qu’ils y arriveront.» 

Les conservateurs réticents

Ces travaux du comité mixte spécial étaient prévus dans la loi fédérale sur l’aide médicale à mourir, qui exigeait qu’un examen parlementaire soit lancé cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi en 2016. Le comité avait amorcé ses travaux en 2021, mais il a été dissous au déclenchement des élections fédérales l’automne dernier.

Les députés conservateurs membres du comité avaient présenté un rapport provisoire dissident, en juin, affirmant qu’il serait «problématique» de simplement approuver les 19 recommandations du groupe d’experts. 

Les députés conservateurs ont fait valoir qu’il y avait «beaucoup trop de questions sans réponse» sur le sujet, et rien n’empêche le comité mixte de revoir si l’aide médicale à mourir devait être offerte à cette catégorie de personnes.

«Un texte de loi d’une telle nature doit être guidé par la science, et non par l’idéologie», ont écrit les conservateurs en mai, avertissant qu’il serait «totalement inacceptable» de faciliter «le décès de Canadiens qui auraient pu se rétablir».

source : lactualite.com , 23 septembre 2022

AQDR