Le coût de la vie, au cœur de la campagne électorale québécoise

C’est la perte du pouvoir d’achat des ménages qui va vraisemblablement devenir le sujet no 1 de la campagne électorale au Québec, qui sera lancée à la fin d’août. Le premier ministre François Legault a fait de l’identité et de l’immigration ses priorités de campagne. Il devra sans doute revoir son plan de match.

Une économie qui ralentit, un pouvoir d’achat qui se dégonfle, des taux d’intérêt qui explosent et une inflation qui semble hors contrôle : c’est tout sauf un scénario idéal pour amorcer une campagne électorale. Avec la pénurie de main-d’œuvre qui prend de l’ampleur partout au Québec, le climat économique se détériore et la confiance baisse.

Le problème pour les politiciens face à cet état de choses, c’est que les gouvernements doivent agir de façon réfléchie, précise, en profondeur, à moyen et à long terme. Les gestes à faire ne sont pas les plus visibles ni les plus payants politiquement.

Accroître la productivité, donner des moyens pour améliorer les technologies et l’automatisation des entreprises, investir pour aménager de meilleures infrastructures portuaires et des chaînes d’approvisionnement plus résilientes : ce sont là des solutions réelles pour s’attaquer aux problèmes d’offres, qui sont à la base de la crise inflationniste actuelle.

Le Québec doit travailler à renforcer ses propres chaînes d’approvisionnement et réduire sa dépendance aux importations coûteuses. La province doit également réduire sa consommation de pétrole et favoriser l’électrification des transports, une vision qui pourrait alléger les pressions inflationnistes.

La voie de la facilité

Cependant, il est difficile d’expliquer de telles mesures, dont l’effet prendra du temps à se matérialiser ou dont la complexité est ennuyante et beige. Il est franchement beaucoup plus facile de baisser les impôts, d’envoyer des chèques, de réduire les taxes, de geler des tarifs, et j’en passe. C’est payant sur le plan politique d’annoncer des réductions fiscales simples et faciles à expliquer. Mais ça ne veut pas dire que c’est la chose à faire pour contrer l’inflation.

Injecter plus de trois milliards de dollars en avril et en mai 2022, comme l’a fait le gouvernement Legault avec ses crédits de 500 $ accordés à 94 % de la population, c’est une mesure qui est nécessairement inflationniste. À un moment où les gouvernements doivent aider les banques centrales à casser l’inflation, l’adoption d’une telle mesure fait exactement le contraire.

Baisser les taxes sur l’essence, ne serait-ce que temporairement, comme le président Biden propose de le faire cet été, c’est aussi une mesure inflationniste. Les leaders politiques qui agissent ainsi affirment que ces mesures sont là pour aider les ménages à faire face à l’inflation. C’est probablement vrai pour les ménages les moins nantis.

Toutefois, des mesures à large portée injectées dans l’économie, comme de l’eau qui sort d’un boyau, c’est nécessairement inflationniste. Et la mesure présentée comme une aide ne l’est plus quand elle vient, dans les faits, alimenter la demande, ce qui crée, encore une fois, de l’inflation.

Les banques centrales ont agi avec beaucoup de retard. Des erreurs d’appréciation de l’inflation ont été commises et la Banque du Canada l’a reconnu. Le patron de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell, a admis devant le Congrès avoir été surpris par l’inflation depuis l’automne dernier.

Une fois qu’on a fait ce constat, les gouvernements ont le devoir de ne pas nuire au travail des banques centrales en adoptant des mesures qui permettent de lutter contre l’inflation et non pas de l’alimenter. C’est une tâche ardue en pleine période électorale, il faut en convenir.

Inflation électorale

Malgré tout ça, attendez-vous à une inflation électorale, pour reprendre l’expression employée par l’économiste Mia Homsy, PDG de l’Institut du Québec, à l’émission Zone économie mercredi. La vieille recette électorale, celle qui consiste à faire pleuvoir les promesses d’investissement, peu importe l’état des finances publiques et les problèmes économiques, se répétera encore une fois.

Nous aurons le rapport préélectoral le 15 août, nous a annoncé le ministre des Finances, Éric Girard. Nous aurons à ce moment-là la nouvelle estimation du ministère des Finances en ce qui a trait à la croissance économique et à l’inflation, en plus d’un regard sur l’état actuel et prévisible des finances publiques.

Le Parti libéral du Québec n’a pas attendu la publication de ce document pour présenter sa plateforme électorale et pour annoncer une baisse d’impôt. Et la Coalition avenir Québec évoque à la fois un chèque en décembre et une baisse d’impôt en 2023. Voilà des propositions bien alléchantes sur le plan politique, mais qui ne font absolument rien pour atténuer la poussée inflationniste.

S’il est clair que l’économie sera au cœur de la campagne électorale au Québec, espérons que les prochaines propositions politiques seront mieux ciblées : il faut aider les personnes dans le besoin, les ménages à faible revenu qui doivent composer avec une perte majeure de leur pouvoir d’achat. Il faut contribuer à la productivité des entreprises, atténuer les effets négatifs de la pénurie de main-d’œuvre et encourager les projets qui favorisent la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Les décideurs publics marchent sur une ligne fine : comment intervenir correctement dans l’économie et ne pas perdre la confiance de la population, qui souffre des pressions inflationnistes? La période qui s’amorce, avec des prix qui grimpent, des taux qui montent en flèche et une économie qui ralentit, n’est pas simple. Elle va certainement obliger les partis politiques à repenser leur stratégie en vue des élections.

Source : radio-canada.ca

AQDR