(Québec) Christian Dubé promet une porte d’entrée aux 1,4 million de Québécois qui n’ont toujours pas accès à un médecin de famille ou à un groupe de médecine familiale (GMF) d’ici l’été 2026. Un souhait qui ne tient pas compte de la réalité, rétorquent les omnipraticiens.

Fanny Lévesque

Fanny LévesqueLa Presse

Ce qu’il faut savoir

  • Christian Dubé a présenté jeudi le bilan de son Plan santé, présenté en mars 2022. Il admet ne pas encore être là où il voudrait être, mais se réjouit de la diminution du recours à la main-d’œuvre indépendante et du « temps supplémentaire obligatoire ».
  • Le ministre de la Santé prend un nouvel engagement, celui que tous les Québécois soient pris en charge par un professionnel (médecin ou IPS) d’ici l’été 2026.
  • Le succès de son engagement repose sur sa négociation déjà ardue avec la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ).

L’histoire se répète : Québec ratera la prochaine cible de son plan de rattrapage en chirurgie, « un dossier » qui deviendra la priorité de Santé Québec, a indiqué le ministre de la Santé. Christian Dubé a dressé jeudi le bilan de son Plan santé, déposé en mars 2022, reconnaissant qu’il est loin du compte en matière d’accès à la première ligne.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre de la Santé du Québec, Christian Dubé

Le ministre a pris un nouvel engagement. Des mesures comme la création du Guichet d’accès à la première ligne (GAP) et l’ajout de cliniques d’infirmières praticiennes spécialisées (IPS) lui permettront de « passer à une autre étape », a-t-il indiqué.

Il s’engage à ce que « tous les Québécois aient accès à un professionnel de la santé qui les connaît et qui peut les suivre dans le temps » d’ici l’été 2026, tout juste avant les élections.

Essentiellement, Québec vise les Québécois qui attendent actuellement d’être inscrits à un GMF et ceux qui sont complètement orphelins, autrement dit ceux qui ne figurent sur aucune liste. Le gouvernement évalue que ce groupe représente environ 1,4 million de personnes. Dans sa nouvelle formule, Christian Dubé promet qu’ils seront inscrits à un « milieu de soin » de leur région – un GMF ou un CLSC.

Chaque patient sera alors pris en charge par un « médecin de référence » ou une IPS. Il pourra consulter d’autres professionnels de la santé selon son état de santé, indique-t-on. « Cette approche va nous conduire à la première ligne que l’on souhaite avoir d’ici les prochaines années », a affirmé le ministre.

À terme, le GAP – qui dépend d’une entente temporaire avec le syndicat des oomnipraticiens – migrera vers le nouveau modèle. Québec assure que les patients inscrits à un GMF le resteront et que les Québécois qui ont une médecin de famille le conserveront.

Les détails restent à préciser, a indiqué M. Dubé.

Par ailleurs, l’inscription auprès d’un GMF ou d’un médecin de famille ne garantit pas d’obtenir un rendez-vous rapidement. Christian Dubé a reconnu lui-même, dans le passé, des écueils au GAP. Il estime néanmoins que la situation s’est améliorée. « Le temps d’attente […] pour avoir un rendez-vous est passé de plus de 100 heures à 36 heures », a-t-il soutenu.

Succès incertain

Le succès de l’engagement du ministre repose sur sa négociation déjà ardue avec la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), admet-il. « On a besoin que les médecins et le syndicat de la FMOQ dans le cadre des négociations qui sont en cours soient au rendez-vous comme ils l’ont été lorsqu’on a fait la mise en place du GAP », a-t-il dit.

Le syndicat n’a pas manifesté beaucoup d’enthousiasme, jeudi. « Une vision réaliste et cohérente doit s’appuyer sur la réalité, et cette réalité, c’est qu’actuellement, la majorité des étudiants en médecine préfèrent les autres spécialités et que plus de 2500 médecins de famille sont âgés de plus de 60 ans. Si rien n’est fait, la pénurie va s’accentuer », a écrit la FMOQ dans une déclaration.

En d’autres mots, le syndicat ne voit pas, pour l’instant, comment ses membres pourraient offrir davantage de disponibilité pour prendre en charge plus de patients dans le contexte de pénurie.

Ce nouvel engagement survient alors que le gouvernement envisage d’avoir recours à la disposition de dérogation pour forcer les nouveaux médecins à commencer leur pratique au public. Jeudi, M. Dubé a confirmé les informations publiées par La Presse en septembre voulant que des indicateurs de performance comme des objectifs d’accès soient « intégrés » au prochain accord-cadre1.

Cible ratée en chirurgie

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Au 19 octobre, 10 707 Québécois attendaient une opération depuis plus d’un an.

Christian Dubé concède qu’il n’atteindra pas la cible de ramener le nombre de chirurgies en attente de plus d’un an à 2500 au 31 décembre prochain. En date du 19 octobre, 10 707 Québécois étaient sur cette liste. Québec avait déjà raté sa cible intérimaire, au 31 mars2. « C’est probablement le dossier qui me dérange le plus », a précisé le ministre, rappelant que les chiffres tournaient autour de 22 000 en 2022.

« On baisse environ de 250 par mois. Ce n’est pas assez vite », a indiqué M. Dubé. Il compte sur la nouvelle entente avec la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) pour prolonger les activités des blocs opératoires.

M. Dubé a ajouté qu’il n’avait pas d’échéance pour atteindre sa cible pour l’instant et que cela deviendra la priorité de Santé Québec. « Le dossier le plus important qu’ils ont en ce moment, c’est le rattrapage en chirurgie », a-t-il ajouté.

Plus tôt jeudi, François Legault a affirmé au Salon rouge qu’on parle « d’années » pour rattraper le retard en chirurgie provoqué par la pandémie. Au 19 octobre, 161 148 personnes attendaient d’être opérées.